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résultant de la fusion des demi-bataillons, il faisait remarquer l’augmentation de rendement qui en résulte pour l’armée, surtout pour la partie de l’armée appelée à frapper ou à parer les premiers coups. Ce ne sont donc plus de simples noyaux pour la mobilisation de nouvelles formations, mais des troupes ayant une solide cohésion aptes à tous les services de guerre. « L’armée de campagne de première ligne, dit-il, celle qui est appelée à livrer les batailles est et doit être l’armée du pied de paix mobilisée. Chaque bataillon forme une véritable troupe d’élite apte à tous les services de guerre. Les formations de réserve et les formations nouvelles ne sont pas des troupes d’élite, et j’estime qu’il serait dangereux de les lancer en première ligne dès le début d’une guerre. » Enfin, envisageant combien la création de ces bataillons complets répond avantageusement à l’augmentation du rendement de l’armée, en procurant à l’Allemagne une augmentation correspondant à quatre corps d’armée environ, le ministre ajoutait : « C’est là une force qui, jetée dans la balance au moment où la guerre éclatera, aura un poids que n’atteindront jamais, jamais les quatrièmes demi-bataillons, surtout si ceux-ci sont employés comme troupes de deuxième ligne, et ils ne me semblent pas aptes à être employés autrement. »

Ainsi voilà bien définie, par un ministre de la guerre de l’empire d’Allemagne, la conception allemande de la valeur et de l’emploi des troupes de première et de deuxième ligne. Accroître la puissance de l’armée de première ligne, de celle qui livre les batailles, tel est le but, la pensée dominante de nos voisins. De l’organisation qui répond à cette pensée découle non moins rationnellement l’idée qu’ils apporteront dans la conduite de la guerre à venir : tenir tout le rôle avec l’armée du pied de paix mobilisée et garder les réserves pour la figuration, présenter au combat les vraies troupes, réserver la police des lignes de communication aux autres.

Chaque pas en avant de leur organisation est une progression vers le même immuable concept et projette une lumière nouvelle sur leurs intentions invariables. Nous assistons à cette évolution sans y correspondre, bien qu’exactement renseignés, jour par jour, sur ces faits et ces tendances, par notre Revue militaire de l’Etranger. L’organe de l’État-major de l’armée ne se lasse pas de signaler la vérité, en des pages, malgré leur simplicité officielle, éloquentes à force de sincérité et de précision. Leur accorde-t-on en haut lieu l’attention qu’elles méritent ? et si on les lit, comment ne troublent-elles pas davantage la quiétude de ceux à qui incombe la charge de notre état militaire ?