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à la totalité du contingent. En 1891-1892 elle était considérable, puisque, en regard de 173 000 incorporations, 196 000 jeunes gens devaient être affectés à l’Ersatz-Réserve et au premier ban du landsturm, c’est-à-dire laissés dans la vie civile et, à un petit nombre près, privés de toute instruction militaire. C’est pourquoi le projet de 1892 élevait le chiffre des incorporations annuelles à 235 000, chiffre réduit, après transactions, à 229 000, non compris les 9 000 volontaires d’un an, adopté définitivement par la loi de 1893.

Cette augmentation n’était pas obtenue aux dépens de la qualité des incorporés, comme un ministre l’essaya chez nous, puisqu’il restait encore un excédent de 90 000 jeunes gens inutilisés, quoique remplissant toutes les conditions requises pour le service militaire. Mais elle rajeunissait l’armée de campagne dans une proportion telle que, pour constituer ses élémens, six classes suffisaient là où sept étaient auparavant nécessaires, et que treize classes fournissaient l’équivalent antérieur de la mobilisation de seize. Avec l’Ersatz-Reserve, où venait s’engloutir improductive la moitié du contingent, l’ancienne organisation était obligée de descendre jusqu’au premier ban de la landwehr, pour trouver les hommes instruits nécessaires aux troupes de campagne. En effet les plus jeunes classes, dans leur moitié non incorporée, par indigence d’instruction, étaient incapables de rien fournir. En supprimant l’Ersatz-Reserve, la loi de 1893 substituait donc les jeunes classes aux anciennes, ce qui était à la fois conforme à la justice sociale et à la cause bien entendue de l’armée. Les souvenirs de la campagne de 1870 plaidaient déjà pour ce rajeunissement. Depuis longtemps l’on était convaincu de l’absence de qualité inhérente à la composition même des troupes de landwehr. D’un côté les hommes y étaient trop mariés, trop esclaves des préoccupations de famille, peu résistans à la fatigue, mal endurans aux privations. D’autre part le commandement s’y montrait défectueux, exercé par des gradés très inférieurs de situation sociale à leurs subordonnés, par des officiers de réserve sans assurance, par des officiers en retraite sans entrain ni vigueur. L’expérience de 1870 avait suffisamment établi leur manque de solidité physique et morale, leur défaut d’élan dans l’attaque et d’opiniâtreté dans la défense, leur proportion anormale de malades vrais ou simulés.

Sur ce rajeunissement, et après avoir remarqué que la comparaison des chiffres ne donnait qu’une idée très imparfaite de la force respective des armées mobilisées, l’exposé des motifs s’exprimait ainsi : « L’Etat qui dispose des classes les plus fortes, a, pour la lutte décisive, l’armée la plus jeune. Si l’adversaire veut