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IV

Lorsque fut votée, le 3 août 1893, la nouvelle loi militaire allemande, elle ne nous apporta qu’une impression bien vive, c’est qu’elle réduisait à deux années la durée du service militaire. C’était bien mal la connaître et surtout en discerner l’esprit. La réduction du temps de service pour les troupes à pied — car elle n’existe pas pour les autres — n’était qu’un expédient auquel souscrivait le gouvernement, en le déplorant, afin de concilier les exigences budgétaires avec l’extension de l’instruction militaire à la grande majorité du contingent, alors que, par l’accroissement continu de la population, cette instruction, sous le régime du service de trois ans, ne se distribuait plus qu’à la moitié de la classe à incorporer. Même contraint par une haute nécessité à cette réduction, le gouvernement ne la concédait qu’avec de telles réticences, que son projet tout entier se trouva ébranlé sur cette question et sombra devant la résistance du Reichstag. Une dissolution simplifia le conflit. Mais le gouvernement, revenant sur sa première interprétation, cessa d’assimiler les hommes libérés après leur deuxième année de service aux anciens disponibles des congés du Roi, toujours susceptibles d’être rappelés par ordres individuels de leur chef de corps, et consentit à leur reconnaître, durant la troisième année, la situation de réservistes.

L’exposé des motifs, après avoir énuméré les nécessités d’incorporer un nombre plus considérable d’individus bons pour le service, sans créer de nouvelles unités, et conclu à l’obligation de réduire le temps de service sous les drapeaux, disait expressément : « Le service de trois ans subsistera en principe, mais on admet la possibilité d’établir pour les troupes à pied un temps de service plus court, à la condition de rendre l’instruction plus intensive. » Et comment se serait-il exprimé autrement, lorsque le projet concernant le septennat de 1887 condamnait ainsi sommairement l’idée du service de deux ans ? « Il faut exclure toute idée de réduction du temps de service. La rapidité avec laquelle se dérouleront les phases de la guerre ne laisserait pas le temps de combler les lacunes de l’instruction. » Il n’est pas inutile d’insister sur cette manière de voir, au moment où un mouvement d’opinion semble grandir en France, pour réclamer une réduction des charges militaires, mouvement qui, s’il aboutissait, sacrifierait irrémédiablement les intérêts vitaux de l’armée.

L’abaissement de la durée n’a donc été consenti que pour obvier à l’évidente disproportion des incorporations, par rapport