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troupes et cadres, sont-elles mieux exercées, plus soudées, plus vivantes ; et depuis que notre entraînement de campagne ne se poursuit plus que dans la guerre coloniale, avons-nous mis enfin sur un pied convenable l’organisation des forces spéciales destinées à l’occupation, sinon à l’extension de nos conquêtes d’outre-mer ?

Autant que cela peut s’établir, le ministère du général Boulanger marque l’origine des aspirations nouvelles, quand on commença de s’aviser que l’œuvre législative laissée à l’armée par l’Assemblée nationale ne pouvait plus lui suffire. Bien qu’il fût le moins apte des ministres pour en préparer les voies, il s’était créé sur ce chef remuant du département de la guerre une sorte de légende qui incarnait en lui l’idée d’offensive parfois trop chère à notre tempérament national. Et, du ministre il ne resta bientôt plus qu’un soldat factieux dont un conseil d’enquête brisa la carrière ; mais il subsista un état d’esprit auquel ses successeurs crurent nécessaire de sacrifier.

L’on débuta par s’émouvoir de notre disproportion en cavalerie, par rapport à l’armée allemande. La loi du 25 juillet 1887 décida d’élever à 91 le nombre de nos régimens jusqu’alors de 77, ce qui mettait, à deux unités près, autant de sabres des deux côtés.

Une mesure d’une autre gravité venait modifier les conditions de mobilisation de notre infanterie et préparer la voie à la création des régimens de réserve qui se greffent maintenant, en les ruinant, sur tous nos régimens actifs subdivisionnaires.

En dotant nos régimens d’infanterie de quatre bataillons et de deux compagnies de dépôt, la loi des cadres de 1875 pourvoyait, avec les quatrièmes bataillons, aux garnisons des places fortes, ainsi qu’à la composition de nos formations de seconde ligne. Elle affirmait aussi, comme on l’avait fait depuis Napoléon, la permanence de l’institution du dépôt, cette base nourricière de toute troupe en campagne. En 1887, en vue de remédier à la pauvreté de nos effectifs de paix, trop faibles pour correspondre aux nécessités de l’instruction, l’on revint sur cette organisation. Les quatrièmes bataillons furent supprimés dans les régimens subdivisionnaires, pour servir à former des régimens régionaux, destinés à nos camps retranchés et maintenus en tout temps à leur poste de combat. Cette mesure sauvegardait la défense de nos places ; mais elle ruinait l’économie de nos formations de seconde ligne, dont une partie des quatrièmes bataillons constituait le noyau sérieux. C’est pourquoi, afin de n’en pas perdre entièrement le bénéfice, se vit-on engagé à recourir aux cadres complémentaires, attribués à chaque régiment subdivisionnaire, pour encadrer, lors de la mobilisation, les réservistes du bataillon dissous.