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lui crée une infériorité, comme rapidité et mystère, vis-à-vis des nations gouvernées par un monarque, dont l’unique volonté décide la mobilisation. Il apparaîtrait par conséquent comme une erreur qu’elle constituât son organisation militaire principalement en vue d’une immédiate offensive qui lui est interdite par son organisation politique. Les mesures qui tendraient à nous procurer les avantages de l’assaillant, comme de porter nos quais de débarquement à notre extrême frontière, sous prétexte de favoriser l’avance de notre marche en avant, ne pourraient pas nous convenir, parce que, l’initiative nous étant refusée, elles se retourneraient contre nous, si nous étions devancés, ainsi qu’il faut nous y attendre. Dans le même ordre d’idées, l’exagération du nombre au début, la rapide entrée en opérations des troupes de seconde ligne, destinées à servir une offensive de grande envergure, pour masquer les places fortes, tenir les communications, s’imposeront moins que la qualité des troupes de première ligne, dans un premier acte défensif, où l’envahisseur devra d’abord passer sur l’armée de la défense, s’il veut aller plus loin.

Cette situation défensive commandée par la faiblesse d’une mobilisation plus tardive nous fait un devoir de posséder une couverture[1] régulièrement forte, sur laquelle s’émoussera le premier choc, la première surprise d’invasion ; et ensuite des troupes de première ligne d’une qualité aussi supérieure que possible. De leur attitude, en effet, dépendra pour nous le sort de la guerre, tant parce que leur défaite amènerait l’ennemi sous Paris, — cœur de la France qui bat maintenant sous un flanc découvert, — suivant la belle expression du duc de Broglie, que parce que leur victoire communiquerait à notre race impressionnable une poussée en avant irrésistible.

Jusqu’ici notre couverture n’a cessé d’avoir la plus grande part de nos sollicitudes. Nous lui avons donné sans marchander une extension, ainsi qu’un degré de préparation, proportionnés à la tâche très lourde qui l’attend, et, grâce à un remarquable entraînement, elle possède, sans doute possible, le maximum de solidité compatible avec notre législation militaire. Avec son unité, le 6e corps garde toute sa force. Aussi en souhaitant qu’il échappe toujours au dédoublement dont il fut menacé, il ne nous reste qu’à former des vœux pour la perpétuité de ses belles traditions, sous des chefs dignes de ce nom comme ceux qui se succèdent à sa tête. De même qu’en tout temps, depuis sa formation, il demeure pour l’armée un exemple et une école ; de

  1. Troupes de frontières dont l’organisation renforcée permet une entrée en ligne immédiate.