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Mais le parfum montant des corolles magiques
Et mon sort plus heureux que ton sort, ô Psyché !
D’un songe et d’un sommeil à jamais léthargiques,
Assoupira mon corps auprès du sien couché.


LES PAONS


Les paons blancs qu’on a vus errer dans mes jardins
N’aimaient que l’aube pâle et la lune voilée
Et plus blancs que le marbre pur des blancs gradins
Etalaient largement leur roue immaculée.

Ils aimaient mon visage et mes longs voiles blancs,
Mais leur cri détesté troublait le doux silence
Et mes mains ont rougi les plumes de leurs flancs ;
J’ai tué les oiseaux de joie et d’innocence.

Et j’eus des paons d’orgueil dont les pas étoilés
Suivaient le reflet vert de mes écharpes bleues
En faisant rayonner par des soirs ocellés
Les astres éclatans qui constellaient leurs queues.

Mais le semblable cri, leur cri rauque et discors
Déchirait le ciel clair d’aube et de lune, où rôde
L’ombre des oiseaux blancs fidèle aux blancs décors ;
Et j’ai tué les paons aux plumes d’émeraude.

Et maintenant, hélas ! j’ai des paons inconnus
Qui noirs, silencieux, splendides et funèbres,
Sont muets comme l’ombre, et qui semblent venus
De l’Erèbe, en rouant des gloires de ténèbres.

Et je voudrais t’entendre, ô cri des grands paons noirs,
Qui marchent aux côtés de ma robe aux plis tristes
Et que je sens frôler mes obscurs désespoirs
De leur plumage sombre ocellé d’améthystes.