cateador hiverne dans l’escalier des Andes, puisque, à peine cette fortune découverte, il la gaspille avec une méprisante prodigalité. Et cet humble mineur, qui s’agenouille devant le front de taille, souffrirait souvent d’être privé de son angoisse journalière. Le gain n’est pas notre fin suprême, et notre travail vaut mieux que la monnaie dont on croit le payer. Ceux-là seuls qui font de l’argent leur raison d’être et leur but me paraissent tristement inférieurs. Le dernier mineur de Huanchaca a connu dans sa misère des heures, des momens, des minutes où, aux prises avec la nature, il s’est senti plus fort qu’elle, et où, indépendamment de l’idée de salaire, il a joui de sa supériorité. Retirez-le de ces cavernes anémiantes ; rendez-le au soleil ; déroulez devant ses pas des tapis de verdure et de fraîches rivières. Il soupirera souvent après l’ombre lugubre dont vous l’aurez délivré. Son inutilité l’oppressera. Loin de son œuvre familière, il sera comme une aiguille aimantée, qui, sous le doigt d’un enfant, palpite, sursaute et tend vers le pôle. Quelles merveilles n’obtiendrait-on pas, si on savait utiliser noblement cette énergie humaine, notre invincible besoin d’agir ! Ce courant électrique qui traverse le monde moral, aussi mystérieux que celui qui serpente dans le monde physique, l’homme ne s’en sert qu’à seule fin d’exploiter l’homme. Les ploutocrates spéculent sur notre désintéressement inné, principe de tout travail, et en touchent les rentes. Cette pensée ne m’avait jamais tant frappé qu’au milieu des épouvantables solitudes de la mine. Elle rehaussait à mes yeux le malheureux individu que je voyais ployé sur sa besogne et qui d’un rythme lent martelait sa barre de fer. Et, autour de moi, Philippi, frais et dispos, rôdait, scrutait la roche, souriait aux ténèbres.
Nous reprîmes le chemin de l’ascenseur, mais par une autre galerie. Tout à coup, notre guide nous cria : « Couvrez-vous ! » En effet, à peine nos petits porteurs nous avaient tendu nos châles qu’un air humide et glacé séchait brusquement notre sueur et nous rayait le dos de frissons. Les pauvres enfans n’avaient rien pour s’envelopper, et le suintement de la voûte plus basse coulait sur leurs épaules nues. Un de mes compagnons me dit : « Voilà le grand danger de la mine. Ces alternatives de froid et de chaud tuent l’adolescent. Vous comprenez maintenant pourquoi ces gamins sont presque tous condamnés. Il faudrait qu’ils prissent des précautions minutieuses ou qu’ils fussent de marbre pour résister. Et ils ignorent les premières règles de l’hygiène. » Je pensai que la meilleure hygiène à leur faire suivre serait de ne pas les exposer à la mort. Je me souviendrai toujours de ces sinistres courans d’air, et de la noire humidité des parois, et de ces petites épaules d’enfans frissonnantes. Des enfans de dix et