acquiert toute son importance lorsqu’il corrige les imperfections des soies lointaines, directement venues, par le paquebot des Messageries, du foyer de la famille chinoise sur les « tavelles » compliquées de l’Occident.
Ces écheveaux, régularisés, fortifiés par le moulinage, franchissent une dernière étape : la teinture. Voici une branche toute neuve de l’industrie soyeuse, j’entends toute renouvelée en ce siècle. Elle a fait des merveilles et pourtant on en dit grand mal. On reproche à ces merveilles d’être éphémères, de sacrifier la solidité à la quantité et de n’atteindre le charme qu’aux dépens de la durée. De ce côté faible du luxe économique faut-il vraiment gémir si fort ? Cette rançon du bon marché s’impose à nombre de produits modernes, pour satisfaire le public de plus en plus vaste qui « veut faire bonne chère avec peu d’argent. » Je ne plaide pas ici la cause de la « camelote » ; elle n’a pas besoin d’avocat, et si elle avait besoin d’un poète :
- Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ?…
pourraient dire les teinturiers. Qu’importe, si un attrait nouveau est offert, une satisfaction présente possédée par les êtres d’un jour que nous sommes, à qui elle procurera un quart d’heure, voire une minute de plaisir, que le coloris délicieux de ce ruban de satin, de cette blouse de taffetas ou de ce nœud de velours soit voué à un effacement précoce ? Sont-ils donc construits pour l’éternité ?
L’usine de teinture ne travaille que sur commande. Les « mateaux », unités commerciales qui comprennent quatre écheveaux ou « pantines », divisés en plusieurs « flottes », lui sont remis par le fabricant avec un morceau d’étoffe ou de frange de la teinte à obtenir. Les « flottes », pendues à de petits bâtons, sont d’abord immergées dans des « barques », baignoires d’eau bouillante, où est dissous du savon de Marseille en quantité égale au quart du poids des filés. C’est la « cuite » ou « décreusage », qui dépouille la soie de ses impuretés, la blanchit et lui donne tout son brillant, mais lui fait perdre beaucoup de sa pesanteur : le cinquième pour celle de Chine, le quart pour celle de France.
Veut-on éviter cette perte aux fils de trame, aux « souples » en langue technique, dont on exige moins d’éclat ? On se contente de leur enlever le ton grège ou jaunâtre en les soumettant à la fumée de soufre dans une chambre close. L’action de ces vapeurs