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entrepôts, sur les achats et les ventes des grosses places et le prix des sortes principales, figurent d’autres dépêches qui annoncent comment les vers à soie ont digéré la veille, signalent qu’au Japon ils mangent avec appétit ; qu’aux Indes ils semblent mélancoliques ; qu’en Italie les éducations se poursuivent régulièrement ; mais qu’en France on déplore quelques échecs à la « montée » dans les bruyères.

L’écoulement plus ou moins actif des étoffes fabriquées ne doit pas non plus être perdu de vue ; puisque c’est en définitive le caprice d’un groupe de Parisiennes jolies, combiné avec l’imagination affairée de quelques couturiers en vogue qui décideront si le sexe faible de cette planète sera, durant la saison prochaine, vêtu de satin, de taffetas et de gaze, au grand profit de l’industrie soyeuse, ou si, au contraire, il se couvrira de drap « amazone », de mohair, de vigogne, et même simplement de toile « sac à raisin ». De sorte que l’œil investigateur du marchand en gros doit embrasser, depuis l’insecte qui vient d’éclore en Chine jusqu’à la mode qui vient d’éclore dans la rue de la Paix.

Chaque année le syndicat publie, à l’usage de ses membres, une brochure contenant tous les renseignemens qu’il a pu recueillir et contrôler, sur le nombre des sériciculteurs, les quantités de graines mises à l’incubation et récoltées, le prix de vente des cocons, etc. Il est, de plus, entouré d’un ensemble d’institutions qui guident sa marche et l’éclairent : laboratoires d’études, bureaux de « décreusage » et de « titrage », services annexes de ce qu’on nomme la « Condition des soies ».

Dès 1750 on avait construit à Turin de vastes bâtimens, aux murs desquels s’étageaient des compartimens grillagés munis de cadenas. La soie, pesée à son entrée, l’était de nouveau à sa sortie ; et si, après son séjour dans ces salles chauffées à une température déterminée, elle n’avait perdu qu’un dixième de son poids, on disait : « Elle est dans de bonnes conditions. » De là ce terme technique qui désigne aujourd’hui l’opération du dosage aqueux des grèges mises en vente.

Quelques lectrices s’étonneront peut-être d’apprendre que leur robe, qui paraît sèche, contient un dixième d’eau. Cette eau, renfermée dans la soie, ne doit pas faire concevoir, aux femmes qui craignent l’humidité, l’idée de s’habiller exclusivement de laine ; car la laine est mouillée davantage encore. Elle sort de la filature avec 15 pour 100 de son poids en eau. Livrée au client, sous forme de vêtement, par le tailleur ou la couturière, elle conserve 13 pour 100 de liquide incorporé à l’étoffe, soit 3 pour 100 de plus que la soie. Pour dépouiller cette dernière de