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LE
MÉCANISME DE LA VIE MODERNE

X.[1]
LA SOIE

Qui ne sait faire la part du superflu dans le plus humble des budgets populaires n’est pas digne de traiter les questions sociales. C’est pourquoi nous donnerons à la soie, dans cette série d’études, le pas sur la laine et sur le coton. La beauté des tissus formés de la bave d’un petit insecte n’est point ce qui nous attire. Quelle chose unique pourtant que ces étoffes sensuelles, — caresse pour le toucher, joie pour le regard, — qui font boire à nos yeux les plus chatoyantes apparences de la nature, traduites par la navette, dans leurs « grands façonnés », leurs « armures » brochées, lamées avec science, ou leurs ciselures de velours !

Mais nos pères ont connu tout cela. Dans son âge aristocratique la soie fut ouvrée par une élite d’artistes, et par une élite aussi, une élite de riches, elle fut portée. Elle s’est faite peuple aujourd’hui ; et à la femme, qui ne vit pas seulement de pain mais aussi de toilette, la démocratisation de la « robe de soie », ce symbole antique d’opulence, procure l’illusion d’une similitude de costume, — grande douceur pour la moitié féminine du

  1. Voyez la Revue du 1er juin 1896.