rien les messagers surhumains, aux larges ailes et aux longues robes, de Giotto et de Giovanni da Fiesole ; ils n’ont rien de commun non plus avec les bambini aériens, moitié Eros et moitié « papillons célestes » de Raphaël et de Titien. Sans ailes, sans draperies, aux membres robustes et à l’expression presque toujours sérieuse et parfois même sévère, ces anges de Buonarroti sont plutôt des manifestations plastiques de l’Esprit, des émanations multiples de l’idée transcendante. « L’ancienne angélologie hébraïque — dit Renan — était d’une simplicité extrême : des myriades de fils de Dieu, sans nom, entourent l’Eternel et sont comme l’éclosion sans cesse féconde de sa pensée. Michel-Ange, au plafond de la Sixtine, a merveilleusement compris cela : une sorte de conque divine enveloppe l’Eternel et les enfans heureux, à peine séparés de lui, qui fourmillent autour de lui et ne font qu’un avec lui[1]… » Là encore le disciple de Savonarole a su lire la Rible comme pas un de ses devanciers ou contemporains, a su pénétrer par l’intuition de son génie au plus profond du génie juif et de ses conceptions mystérieuses. Mais que veut dire la forme féminine que l’artiste a donnée à l’un des anges du cortège divin, aussi bien dans le tableau de la création du monde que dans celui de la création d’Adam ?…. le pencherais assez à y reconnaître la Sapientia du chapitre VII des Proverbes, chapitre que l’Église fait réciter aux offices de certaines fêtes de la Vierge. « Moi qui suis la Sagesse, le Seigneur nia possédée au commencement de ses voies. J’ai été établie dès l’éternité. Lorsqu’il préparait les cieux, j’étais présente ; lorsqu’il posait les fondemens de la terre, j’étais avec lui, et je réglais toutes choses[2]… »
La seconde trilogie du plafond nous fait d’abord voir Dieu appelant à la vie l’homme qu’il a formé du limon de la terre. Et inspiravit in faciem ejus spiraculum vitæ, dit la Bible : pour les artistes du moyen âge c’était là un problème des plus ardus de figurer ce « souffle de la vie » et de le mettre en action. Dans la mosaïque du vestibule de San Marco à Venise, Dieu suspend au cou d’Adam une petite Psyché ailée, toute nue et toute classique ; à Monreale, c’est un rayon lumineux qui part de la bouche de l’Eternel et vient toucher les lèvres de l’ancêtre à nous tous. Moins ingénus, ou plus respectueux, les maîtres italiens du XIVe et du XVe siècle n’ont pas ces témérités enfantines et s’en tiennent généralement à un motif quelque peu terne et vague qui est presque une formule de convention et de sous-entendu. Au