de hauteur différente lui permettaient d’atteindre partout la surface de la voûte qui s’élevait au-dessus de la corniche dans une courbure inégale. Comme les fenêtres se trouvaient au-dessous du niveau, il dut aviser au passage de la lumière ; il dut aussi se ménager le moyen d’enlever à loisir certaines planches du pont, afin de pouvoir juger d’en bas de l’effet de sa peinture[1]… » A peine installé dans son atelier aérien (octobre 1508), il fut sur le point d’abandonner complètement la partie : une moisissure étrange avait envahi son premier essai sur l’enduit du mur, et aussitôt il crut tout perdu. Il courut chez le pape : « Votre Sainteté voit bien que je ne suis pas fait pour cet art ! » Le pape envoya sur les lieux l’architecte Giuliano da San Gallo qui reconnut sans peine que l’humidité excessive de la chaux était la seule cause du mal. — Est-ce aussi à la suite du même accident que Buonarroti prit en aversion ses frescanti toscans ?… Il avait appelé à Rome tout un groupe d’artistes florentins plus ou moins renommés, — Granacci, un ami d’enfance, Bugiardini, Jacopo di Sandro, Indaco, Agnolo di Donino, Aristotile, — et avait passé avec eux des traités formels : ils devaient l’aider de leur expérience en matière de peinture murale et prendre leur part dans l’œuvre qu’il projetait. Les grands génies ont parfois leurs grandes naïvetés ; et c’en fut une assurément chez Michel-Ange de croire un seul instant que son art ou son caractère admettait une collaboration quelconque. Un beau matin (janvier 1509) les frescanti trouvèrent la chapelle close, close aussi la demeure du maître ; et ils pensèrent judicieusement qu’ils n’avaient plus qu’à s’en retourner à Florence[2]…
Le maître renonce désormais à toute aide et secours, et s’attache à son œuvre avec ce mélange d’ardeur et de défaillance qui fait de cette période de sa vie un spectacle si curieux et si
- ↑ Heath Wilson, Life of Michel Angelo, p. 119.
- ↑ M. Heath Wilson (p. 155 seq.) a pourtant de la peine à croire que l’immense travail de la voûte ait pu être achevé par un seul homme dans l’espace de quatre ans ; il suppose qu’après l’avortement de la tentative avec Granacci, Bugiardini, etc., Michel-Ange a dû avoir recours à la collaboration de plusieurs autres artistes plus obscurs et moins antipathiques. Mais la correspondance de Buonarroti ne contient pas la moindre allusion à un tel fait, tandis que celui relatif à l’essai avec Granacci et ses compagnons y a laissé des traces nombreuses. Si modestes, en outre, qu’aient pu être à l’origine ces collaborateurs supposés, ils ne seraient pas demeurés inconnus à jamais après le retentissement qu’ont eu les peintures de la Sixtine dans la suite. L’exécution d’une telle œuvre par un seul homme, dans un espace de temps relativement bien court, est une chose extraordinaire sans doute ; mais l’homme était extraordinaire, lui aussi, et les lettres écrites par lui pendant cette époque témoignent suffisamment de l’énergie incomparable qu’il a su déployer à cette occasion. Il va sans dire, du reste, que le maître a toujours eu auprès de lui, dans la Sixtine, des garzoni en nombre convenable (trois ou quatre, je pense) pour lui préparer l’enduit, broyer les couleurs, piquer les cartons, etc.