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aux questions constitutionnelles ; ils n’étaient pas novices en ces matières ; quelques-uns en avaient une longue expérience pratique. Ils avaient proposé de faire élire le Sénat, comme la Chambre, par le suffrage universel direct parmi des catégories d’éligibles qui présentaient, soit par leur âge, soit par les emplois publics qu’ils avaient antérieurement exercés, des conditions particulières de capacité et, par conséquent, de modération. Renonçant à mettre la garantie dans l’électeur, ils l’avaient mise dans l’élu. On peut critiquer ce système, mais c’en était un. Il aurait, faut-il dire l’avantage ? faut-il dire l’inconvénient ? de donner au Sénat la même force originelle qu’à la Chambre, et, malgré les frottemens quelquefois un peu durs qui pourraient en résulter entre les deux assemblées, nous croyons pour notre compte que l’avantage resterait supérieur à l’inconvénient. Toutefois, cette combinaison n’a pas prévalu. En 1875 on en a préféré une autre, très défendable en elle-même, et qui se défend encore mieux par les résultats qu’elle a donnés : la constitution de cette époque a fait élire le Sénat par des délégués des conseils municipaux. C’est pour cela que Gambetta l’a appelé le « Grand Conseil des Communes de France », et le mot a fait fortune, d’abord parce qu’il était exact, et ensuite parce qu’il avait quelque chose de frappant pour l’esprit : il faisait apparaître le Sénat reposant sur une base très réelle, très solide, qui n’était ni une fiction, ni même une création constitutionnelle, car s’il y a quelque chose de vivant de sa vie propre, non seulement en France, mais dans un pays quelconque, c’est cette monade initiale qu’on appelle la Commune. Là encore il y avait un système ; mais entre ces deux systèmes, aucun autre ne pouvait logiquement s’intercaler, et lorsqu’on a voulu toucher soit à celui-ci, soit à celui-là, on n’a rien fait de bon. Une première fois, on a révisé la constitution sur ce point. Par une anomalie qui depuis a disparu, la loi électorale du Sénat faisait alors partie de la constitution, tandis que la loi électorale de la Chambre des députés était en dehors, comme une loi ordinaire. Il a donc fallu aller à Versailles et réunir les deux Chambres en Assemblée nationale pour modifier le mode d’élection du Sénat. On a commis à ce moment une faute. Sous prétexte qu’il y a souvent une différence considérable entre les diverses communes, que les unes étaient grandes et les autres petites, que les premières étaient très peuplées et que les secondes l’étaient beaucoup moins, on a augmenté le nombre des délégués sénatoriaux dans les communes les plus grandes et les plus peuplées. C’était déjà sacrifier la représentation des communes a celle des populations. On ne peut pas s’arrêter dans la recherche d’une proportionnalité absolue entre le nombre des électeurs et celui des élus ; le dernier terme de cette recherche est le suffrage universel v pur et simple. Pour être vraiment le grand conseil des communes, le Sénat devrait être élu par le même nombre de délégués dans