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QUELQUES
ALLEMANDES D'AUTREFOIS

Le 20 septembre de cette année s’ouvrait à Berlin un congrès féministe international, beaucoup mieux réglé, mieux ordonné que celui qui avait eu lieu à Paris au mois d’avril. Les orateurs n’ont point eu à se défendre contre de bruyantes interruptions, et il n’est jamais arrivé que tout le monde parlât à la fois. Les séances se tenaient dans la belle salle des Fêtes de l’hôtel de ville. L’auditoire était fort nombreux, l’ordre fut parfait. Le féminisme socialiste, déclinant l’invitation qui lui était adressée, avait refusé de prendre part au congrès : il lui avait fait signifier avec quelque hauteur que « les femmes prolétaires » ne pourraient jamais faire cause commune avec les féministes de la bourgeoisie, qu’elles pensent ne pouvoir arriver à leurs fins que par une révolution économique et l’abolition du capitalisme. Selon toute apparence, les femmes prolétaires ont rendu service au congrès en s’abstenant ; elles sont très véhémentes, et leur chef, Mme Zetkin, qui a, paraît-il, la voix perçante et criarde, eût peut-être déchaîné les tempêtes.

L’assemblée était présidée par Mme Morgenstern, qui a l’esprit organisateur, et par Mme Cauer, fondatrice de l’association pour le bien de la femme, Frauenwohl, qu’elle créa il y a dix ans et qui a son siège central à Berlin et des succursales à Dantzig, à Kœnigsberg, à Dresde, à Munich, ailleurs encore. Comme nous l’apprend Mlle Kaethe Schirmacher, docteur en philosophie, agrégée à l’Université, dans une étude sur le congrès de Berlin publiée par la Revue des femmes russes, les deux présidentes avaient pris de sages mesures, en décidant qu’il n’y aurait pas de débats contradictoires, qu’on s’abstiendrait d’émettre aucun vœu, de formuler aucune résolution. Aussi n’eurent-elles pas de peine à se mettre en règle avec la police berlinoise, à laquelle elles avaient dû soumettre leurs ordres du jour, leurs programmes, la liste des orateurs désignés. Si la police avait eu des inquiétudes,