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sa stabilité on fait choir tout l’ensemble, de même, quand on enlève à l’édifice moléculaire une de ses assises, on le voit s’effondrer.

Quand la voûte s’affaisse, chacune des pierres ne se sépare pas de ses voisines ; la plupart restent liées, de gros blocs et des fragmens plus petits gisent sur le sol ; de même, quand la molécule chimique se décompose, chaque atome ne reprend pas sa liberté, ils restent réunis en molécules plus simples que celle qui a été détruite et dont ils ne sont plus que des fragmens.

Sous l’influence de la levure, le sucre se réduit en deux produits principaux, l’alcool et l’acide carbonique. Sur les six atomes de carbone que renferme le sucre fermentescible, deux se retrouvent dans l’acide carbonique, quatre dans l’alcool. L’alcool et l’acide carbonique représentent donc les deux fragmens principaux de la destruction par fermentation du sucre fermentes-cible ; cette destruction est toutefois accompagnée de fragmens de moindre importance : ce sont deux produits peu volatils ou fixes : la glycérine et l’acide succinique et en outre des matières volatiles très nombreuses, mais ne formant cependant qu’une faible fraction de la masse totale ; aussi, quand on envisage l’ensemble du phénomène sans pénétrer dans le détail, peut-on admettre que la somme des poids de l’acide carbonique et de l’alcool représente le poids du sucre fermentescible mis en œuvre, et bien que l’acide carbonique ne pèse pas tout à fait autant que l’alcool, on admet dans l’industrie que le poids d’alcool formé pendant la fermentation est la moitié de celui du sucre décomposé.

Malgré leur faible poids, les matières volatiles qui apparaissent pendant la distillation des liquides fermentes sont bien loin d’être indifférentes ; et tandis que les produits de la fermentation des raisins, des cerises ou des cannes à sucre, particulièrement agréables au goût, donnent une haute valeur commerciale à l’eau-de-vie, au kirsch, ou au rhum, les produits secondaires de la fermentation des betteraves, des pommes de terre ou des grains présentent des odeurs désagréables ; on les désigne sous le nom de flegmes ; pour en tirer de l’alcool comestible, on les soumet à une seconde distillation : on les rectifie.

L’alcool se réduit en vapeur, entre en ébullition à 78°, l’eau à 100° ; si on chauffe un mélange de ces deux liquides, l’alcool se vaporise le premier, et si on fait passer sa vapeur au travers d’un tube métallique contourné en spirale, dans un serpentin, plongé dans un liquide froid, elle se condense, et on recueille, concentré sous un petit volume, tout l’alcool qui, dans le liquide primitif, était noyé dans une grande masse d’eau.