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Et, en effet, c’est guidé par ces seules considérations que pendant longtemps et maintenant encore on sème des graines fournissant de très grosses racines qui assurent des rendemens à l’hectare considérables ; il y a soixante ans, on fut tellement émerveillé de la masse de matière végétale que produisaient quelques-unes de ces variétés, que l’une d’elles reçut le nom de disette, pour indiquer que sa culture permettrait de combattre victorieusement la pénurie des fourrages. Cette variété est aujourd’hui délaissée, on sème plus volontiers des Globes, des Tankards, des Cornes de vache, ainsi nommées à cause de la forme contournée de la racine, et encore des Mammouths, dont le nom indique les énormes dimensions.

Il n’est pas rare, quand on sème ces variétés sur une terre bien fumée et qu’elles croissent très écartées les unes des autres, qu’elles fournissent des racines pesant plusieurs kilos. On en récolte de monstrueuses. En 1891, dans un champ où les manques étaient nombreux, j’ai recueilli une Mammouth du poids de 8kil, 300, et on en cite de beaucoup plus lourdes encore.

J’ai eu l’idée de soumettre à l’analyse cette énorme racine ; je savais bien que j’y trouverais une grande quantité d’eau, je fus étonné cependant du chiffre que fournit le dosage : cette racine renfermait 91,5 centièmes d’humidité et seulement 8,5 de matière sèche, c’était une véritable éponge.

Cette masse de liquide tenait en dissolution dans 100 parties 6,2 de sucre ; l’eau est emprisonnée dans les cellules distendues de ces grosses racines et ne s’écoule que lorsqu’on les déchire.

La même année, j’ai soumis à l’analyse une autre racine provenant du même champ et appartenant à la même variété, mais ne pesant que 700 grammes ; elle ne renfermait que 82,5 centièmes d’eau. On ne saurait trop insister sur l’intérêt que présentent ces déterminations. On donne habituellement pendant l’hiver aux bœufs ou aux vaches laitières, outre du foin et parfois du son et des tourteaux, 60 kilos de betteraves fourragères en fragmens découpés au coupe-racines. Si cette ration était composée de grosses racines semblables à celle dont j’ai donné plus haut la composition, les 60 kilos apporteraient seulement 5 kilos de matière sèche, de matière nutritive, tandis que, si on avait distribué de petites racines, cette ration aurait fourni près de 10 kilos de matière sèche, c’est-à-dire le double de la précédente.

Ainsi deux betteraves appartenant à la même variété peuvent être absolument dissemblables ; les grosses sont infiniment plus aqueuses que les petites. Tout d’abord, il est un point sur lequel