Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 138.djvu/655

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les fers horizontaux coupent le sol à 2 ou 3 centimètres de la surface, renversent et enterrent les chaumes, et permettent le semis de la vesce, qui, de toutes les légumineuses que j’ai essayées, est celle que j’ai vue réussir le plus habituellement. Le semis est terminé dès la première semaine d’août, et s’il survient quelques pluies, la terre est rapidement couverte ; en septembre la place des chaumes est occupée par une prairie verdoyante, et à la fin d’octobre, on obtient 8, 10, et jusqu’à 15 tonnes de fourrage vert à l’hectare, présentant une teneur en azote analogue à celle du fumier de ferme.

Cet azote a une double origine, il provient pour une part des nitrates qui se forment dans les sols fertiles pendant les chaleurs de l’été. Perdus, entraînés par les eaux d’infiltration quand les terres restent nues en automne, ces nitrates sont au contraire assimilés par la vesce semée après la moisson ; à cet azote fourni par le sol vient s’ajouter celui que la plante prélève sur l’atmosphère. On sait, en effet, que les plantes de la famille des légumineuses, à laquelle appartient la vesce, portent sur leurs racines des nodosités peuplées de bactéries fixatrices d’azote[1].

Il serait bien à désirer que cette pratique des cultures dérobées d’automne se généralisât ; elle donnerait rapidement à notre pays un remarquable accroissement de fertilité. Nous cultivons le blé sur 7 millions d’hectares : si chacun d’eux recevait après la moisson une culture dérobée de légumineuses, on aurait une moyenne de 40 tonnes d’engrais vert à enfouir ; cette quantité atteindrait même 15 tonnes par hectare pendant les automnes chauds et pluvieux ; elle représenterait donc de 70 à 105 millions de tonnes d’engrais valant son poids de fumier de ferme, et comme nous ne produisons guère chaque année que 100 millions de tonnes de fumier, nous réussirions à doubler la fumure distribuée.

A la fin d’octobre, au commencement de novembre, on apporte sur les champs couverts de vesce le fumier, on l’étend, et on enfouit le tout ensemble. C’est également à cette époque qu’on répand sur les champs destinés à la betterave, les superphosphates quand les terres sont légèrement calcaires, les scories de déphosphoration sur celles qui ne le sont pas. La betterave est particulièrement sensible à l’action des engrais phosphatés ; et certaines terres assez riches en acide phosphorique pour ne pas bénéficier de son apport quand elles sont cultivées en blé,

  1. Voyez la Revue du 1er mai 1893.