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donc surtout comme plante alimentaire pour le bétail que la betterave est cultivée, et en effet, même quand elle est conduite aux sucreries ou aux distilleries, elle laisse des résidus, des pulpes, encore consommés par les animaux domestiques. Leur nombre est habituellement limité par les difficultés que présente l’alimentation d’hiver : les betteraves entières ou les pulpes l’assurent : elles arrivent au moment où toutes les autres nourritures fraîches ont disparu ; partout où la betterave est cultivée, le bétail augmente, et avec lui la masse de fumier produite.

A cet avantage s’en joint un autre : de toutes les plantes de grande culture, c’est la betterave qui profite le mieux des fumures quelle reçoit, son rendement à l’hectare croît avec la quantité d’engrais distribués ; les cultivateurs disent : la betterave paie bien son engrais ; ils sont tellement persuadés que leurs avances seront largement remboursées, que non contens de prodiguer le fumier de ferme, ils n’hésitent pas à acquérir des engrais commerciaux, qu’ils n’oseraient pas employer aussi copieusement sur du blé, par crainte de la verse, ou sur des pommes de terre qui ne profiteraient que médiocrement de ces abondantes fumures. Les cultivateurs de betteraves sont de gros acheteurs de superphosphates, de tourteaux, de nitrate de soude ; et ces fortes fumures souvent répétées amènent leurs terres à un haut degré de fertilité.

Ce serait un tort, en effet, que de considérer la betterave comme une plante épuisante : elle exige de fortes avances, il est vrai ; mais elle restitue au sol la plus grande partie des principes alimentaires qu’elle lui a empruntés. Quand elle est consommée dans la ferme, la plus grosse part des matières minérales retourne au fumier ; quand elle est conduite aux usines, elle revient encore partiellement au moins aux étables sous forme de pulpes.

La betterave est bisannuelle ; au moment de l’arrachage, elle est encore en pleine végétation : ses feuilles, bien vivantes, sont riches en matières azotées, en nitrates même ; or, on ne conduit aux sucreries ou on ne conserve dans les silos que les racines ; on coupe la partie supérieure de cette racine, à laquelle adhèrent les feuilles, et les collets feuillus restant sur le sol lui restituent, au moment où ils sont enfouis, une partie des matières fertilisantes que la plante s’était assimilées pendant sa croissance. En outre, la betterave semée tardivement n’est arrachée qu’en octobre, elle est encore sur pied au moment des grandes pluies d’automne, ses feuilles rejettent dans l’atmosphère par leur transpiration la plus grande partie de l’eau tombée, les drains