entière, quoi qu’elle fasse. Il en résultait un certain relâchement et la plus aimable tolérance. Les influences morbides qui avaient menacé la santé du petit Charles Stoddard se dissipèrent, mais il resta très préoccupé des causes qui pouvaient amener une telle séparation spirituelle entre ses deux grands-pères.
Il grandit, toujours obsédé par l’incertitude de l’au-delà et le besoin de croire à quelque chose. Il se servit du savoir acquis pour se mettre à la recherche de la vérité, — chez les unitaires d’abord, qui lui parurent borner leur culte à l’éloquence oratoire ; chez les méthodistes, dont il haïssait les rugissemens de fauves ; la frénésie ne lui disait rien, il trouvait en revanche d’autres sectes bien pâles, bien froides, bien dépourvues de symboles. Son goût délicat se révoltait contre les vulgarités de l’armée du Salut ; l’invitation, imprimée sur affiche, à rencontrer Jésus de telle heure à telle heure, dans telle ou telle salle publique, lui faisait l’effet d’un blasphème. L’église épiscopale lui parut posséder en partie ce qui manquait aux autres, mais il lui sembla aussi que l’esprit était absent de ces formes empruntées à un culte plus ancien. Partout, il rencontrait des gens très honorables auxquels suffisait la permission de scruter les Écritures, mais il n’était pas de ces gens-là et il souffrait, réduit à édifier un temple idéal dans le silence et le recueillement de son cœur. Une femme qu’il prit à tort pour un ange faillit l’entraîner dans les avenues nuageuses du spiritisme. Ce fut une femme encore qui lui désigna le prêtre auquel, un jour, il demanda de compléter l’instruction religieuse qu’il avait depuis longtemps ébauchée tout seul, attiré qu’il était à l’église catholique par la beauté des chants, la pompe des offices, l’antique poésie répandue dans tous les détails du culte. Son cœur troublé avait enfin trouvé le repos ! La persécution ne fit que stimuler une ferveur qui depuis ne s’est jamais démentie : non qu’il fût persécuté par sa famille qui respecta ses convictions, mais le monde, mais la presse protestante ne lui épargnèrent aucune amertume. Il avait déjà quelque réputation dans les lettres, et le scandale n’en fut que plus grand. Repoussé, trahi, découragé, il ne trouva de secours que dans l’Église, et non pas seulement des secours spirituels ; les besoins de son intelligence furent compris. Ses nouveaux frères l’engagèrent à visiter Rome, Jérusalem, et, sur son passage, il rencontra toujours des amis. Le plus intéressant de tous l’attendait, celui-là, dans sa chère Océanie. C’est le l’ère Damien, dont il m’a parlé beaucoup et dont l’œuvre héroïque lui inspira des pages émouvantes : les Lépreux de Molokaï.