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ville. Malheureusement, le soir de la première, on trouve Zèbre étendu inanimé sur le plancher d’une chambre où il s’est enivré d’eau de Cologne. Cette orgie lui donne le goût de la boisson sous toutes ses formes. Tandis que les Midgets, ses compatriotes, remportent une série d’éclatans succès, tandis qu’ils dansent leurs danses fantastiques et chantent des chants d’amour, des chants de guerre, des chants de deuil, qui, au gré du public américain, font grand honneur à l’éducation qu’ils ont reçue, le Zèbre boit sans interruption tout ce qui lui tombe sous la main. Bientôt il n’est plus que l’ombre de lui-même, mettant au défi l’art des médecins et persuadé, quand de bonnes âmes prient pour lui, qu’elles appellent la mort sur sa tête, car prier pour quelqu’un dans les plaines de Pottobokee, dont il est originaire, est, de toutes les formes de vengeance, la plus terrible. Le Zèbre croit succomber à une malédiction, l’arc-en-ciel de tatouage dont il est revêtu pâlit à vue d’œil, et un jour il murmure des paroles funèbres dans un langage inconnu, car les chefs ont un dialecte à eux, un vocabulaire que le commun des mortels n’a jamais su apprendre. C’est le signal du retour de son âme au pays natal, tandis que le petit squelette zébré reste enfoui dans un verger de la Nouvelle-Angleterre.

La transplantation n’est pas plus favorable à Kahèle, Kahèle the goer, le marcheur, le nageur, le guide incomparable qui conduit son maître par des chemins de féerie à la maison du Soleil et vers la poétique chapelle des Palmes, où deux bons prêtres dévoués à un troupeau sauvage nous donnent de si touchantes leçons de charité, puis sur la plage de Meha, « dans la vallée de la solitude » habitée par des amphibies. « Kahèle, gentil caméléon dont l’humeur prend la nuance de ce qui l’environne, pieux à l’appel des cloches, enragé plus qu’aucun danseur au signal lascif du hula-hula, versatile, amusant, capable surtout de s’incarner dans chaque rôle si bien qu’on ne sait jamais laquelle des mille dispositions contradictoires, existantes en lui, est la plus naturelle. »

Eh bien, il suffit que le caméléon vienne à San Francisco pour emprunter des couleurs fâcheuses. Cela commence par l’enthousiasme : Kahèle s’enflamme successivement ou à la fois pour tout : la civilisation lui donne le vertige ; en sortant du cirque, il a envie d’être clown ; le théâtre lui fait prendre la résolution de devenir acteur ; toutes les fois qu’il assiste à la messe, il se promet d’exercer le saint ministère. Un jour, il va dans un quartier suspect où l’on parle espagnol ; à partir de ce moment, il répète en rêve : yo amo, et déclare que les señoritas sont aussi belles que les plus belles d’Hawaï. Quelque temps après, il disparait