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de partager son temps entre les jouissances du travail intellectuel et le devoir de gagner sa vie. Contraste frappant, en pleine démocratie, avec la répugnance qu’ont les Américains les plus pauvres pour l’état de domesticité, lequel, somme toute, n’est bas que si l’on y apporte des sentimens vils et ressemble beaucoup à celui de tout autre fonctionnaire. L’échange d’égards et de dévouement entre ce maître et ce serviteur ami mérite d’être proposé à l’imitation des amateurs du progrès.

Le Japon cependant n’absorba ce jour-là mon attention que d’une façon secondaire. Je revenais toujours, malgré moi, par un attrait invincible, vers Tahiti avec ses effets d’uatea, c’est-à-dire de pluie et de soleil entrevus à travers les palmiers, ses crépuscules d’améthyste, son récif de corail où se brise la grande mer. Je revenais vers Samoa avec ses cascades où glissent des jeunes filles assises sur la roche polie et emportées par le courant ; vers Hawaï, avec ses clairs de lune qui créent un mirage de chutes d’eau, ses précipices remplis d’ombre bleuâtre, ses lointains où flottent des vapeurs de soufre, et ce lac au bord duquel dansent de petites flammes, le soir. Combien faut-il avoir pénétré attentivement tous les secrets d’un pays si différent de ce que nous avons jamais vu, ou même imaginé, combien faut-il s’être assimilé ses aspects, ses traditions, son âme, pour qu’il se dégage de ce qui semblerait sans cela pure féerie une pareille impression de sincérité ! Comme j’en faisais la réflexion, John La Farge me dit : « Si vous appréciez ce qui est sincère, cherchez donc Hawaï et Tahiti dans le livre trop peu connu où un véritable poète en prose a concentré l’essence même de ses impressions pendant les longs séjours qui lui ont permis, plus qu’à personne, de toucher le fonds et le tréfonds de la vie indigène. »

— Oh ! répliquai-je, la chose a été faite et de telle manière qu’il n’y a plus à y revenir. Quelqu’un aurait-il l’audace de traiter de pareils sujets après Pierre Loti ?

— Pardon, c’était avant lui. Les premiers ouvrages de mon ami Stoddard remontent à 1868.

— Stoddard ? Je le connais, dis-je, avec l’empressement qu’ont les étrangers à se montrer au courant de tout dans le pays qu’ils visitent pour la première fois.

— Mille pardons encore, mais je jurerais que vous ne le connaissez pas du tout. Vous aurez lu les vers de Richard Henry Stoddard, qui est célèbre aux Etats-Unis, tandis que Charles Warren Stoddard ne l’est pas… Vous m’apprendrez peut-être pourquoi, après avoir regardé ses Idylles des mers du Sud. Toutes les fois que vous parlez d’un de ces deux homonymes, on vous répond par l’éloge de l’autre. Mon ami n’a fait en réalité qu’un livre. C’est un