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appelait cela ne pas les comprendre. Dans l’ardeur de la conversation, il oublia l’heure, et pour continuer la discussion consentit à partager très amicalement mon dîner.

Marie était estimé et aimé. Au temps de sa grande admiration pour Auguste Comte, fier de se voir l’ami d’un si grand homme, il l’invita à honorer de sa présence la modeste maison où il vivait avec sa mère et sa sœur. Comte y revint souvent, ne cachant pas sa grande sympathie pour Clotilde, à laquelle il écrivait des billets mystiques, que Tartufe, me disait son frère, aurait pu adresser à Elmire.

La mère de Marie pria Comte de ne plus revenir. Clotilde, quittant alors sa famille, alla embellir de sa présence un petit logement très pauvrement meublé, où elle put recevoir les visites de son ami. Comte lui avait offert une hospitalité qu’elle refusa.

Maximilien Marie, dans un mémoire inédit, a raconté l’histoire des relations de Comte avec sa sœur. Cet amour, soumis à la grande loi découverte en 1822, a-t-il passé par les trois états inévitables dans toute évolution humaine ? Il est parvenu, pour Comte, à l’état positif. Clotilde l’a-t-elle suivi jusque-là ? Comte l’y a invitée, et de telle manière que Marie, confident, sans doute, de sa sœur indignée, le compare dans son mémoire à un satyre. Clotilde lui a accordé et offert depuis, chez elle et chez lui, d’innombrables occasions de demander un pardon qu’il a obtenu. L’un des deux a cédé. Lequel ? La vierge positiviste était très douce et Comte était tenace ! On ne peut rien affirmer.

Je m’arrête sans rien dire de la Politique positive, regardée par Comte et par ses disciples comme son ouvrage capital. Il m’a été physiquement impossible de surmonter la fatigue et l’ennui de sa lecture. Je dirais aux admirateurs de Comte, s’ils étaient désireux de connaître mon opinion, ce que j’ai dit autrefois à son beau-frère malgré lui, Maximilien Marie : Vous vous croyez plus compétent que moi, pourquoi demander mon avis ?


J. BERTRAND.