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Moloc-Baal, Moloc-Astoret, Echmoun-Melkart, Echmoun-Astoret. Quand les Grecs ont voulu les traduire, ils en ont fait leur Hermaphrodite.

Renan était donc guidé par un sentiment juste de l’antiquité quand, dans son apothéose de Victor Hugo, il empruntait les grâces de la voix d’une femme pour annoncer les décrets du ciel aux habitans des Champs Elysées. Seulement, pour que son petit Camillus fût complet, il aurait pu lui laisser ses ailes. Rien n’est plus fréquent, sur les monumens figurés de l’antiquité grecque, que de voir des ailes à ces personnages célestes qui jouaient le rôle de messagers divins et qu’on désignait sous le nom commun d’Angeloï. C’était un souvenir des religions orientales ; et, quand la Grèce a créé son type classique d’Hermès, elle ne lui a enlevé ses ailes que pour les lui attacher aux talons.

Saint Jérôme dit, dans une lettre à saint Paulin : « Bethléem, qui est pour nous aujourd’hui le lieu le plus auguste de toute la terre, fut ombragé jadis par un bois sacré de Thammouz, c’est-à-dire d’Adonis ; et dans la grotte où le Christ petit enfant a vagi, on pleurait l’amant de Vénus. » Ces paroles du grand solitaire de Bethléem, qui avait une intelligence si profonde de l’Ancien Testament, expriment admirablement la loi fondamentale qui préside à la formation des religions : Pas plus qu’aucune autre chose, les religions ne se créent tout d’une pièce. Elles entrent en la place de celles qui les ont précédées, et plient les vieux mythes à une idée nouvelle.

Toute l’histoire de la religion grecque est là. Les Grecs devaient avoir à l’origine une religion très simple. Plus on avance, et plus on voit se réduire le nombre des dieux qui leur appartenaient en propre. Ce que nous avons essayé de démontrer pour quelques-uns d’entre eux doit être vrai de beaucoup d’autres. Dans ce domaine, l’emprunt ne nous apparaît pas comme l’exception, mais comme la règle. Ils ont puisé à plus d’une source sans doute. L’Egypte leur a peut-être fourni directement quelques-uns de ses dieux ; ils ont dû beaucoup aussi à l’Asie Mineure, cette grande terre encore pleine de mystères où le contact de l’Orient et de l’Occident s’est opéré d’une façon si intime ; mais la plupart des dieux et des déesses qui ont peuplé leur olympe leur sont arrivés par l’intermédiaire des Phéniciens. Sous ce rapport comme sous beaucoup d’autres, les Grecs ont été les tributaires des peuples sémitiques plus avancés qu’eux en culture. Japhet a habité dans les tentes de Sem.

L’Asie occidentale, la patrie des peuples sémitiques, a été de tout temps le grand réservoir religieux de l’humanité. C’est de là