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à Delphes qu’aborde Cadmus, l’époux de Téléphaé et le fils de Phoinix et de Telephassa, deux variantes du nom de Delphes qui vont nous mettre sur la trace de son origine ; et, pour prouver que Cadmus était un Phénicien, Pausanias citait le nom d’Athéné Onka, l’Athéné béotienne ; or Onka, disait-il, est le nom d’Athéné en phénicien.

Si cette tradition était exclusivement béotienne, on pourrait être tenté d’y voir un essai d’explication du nom de Delphes ; mais nous retrouvons en Arcadie les mêmes noms dans le même agencement. Toute la légende de la Déméter arcadienne roule sur les deux mots Onka et Delphousa. La déesse, changée en jument, se cache dans les troupeaux d’Onkos, roi de Thelpousa ou Delphousia ; non loin de là, on voyait son temple dans un lieu dit en Onkeiô. De même qu’Onka, Telephassa, Thelpousa, Delphousia, Delphes, sont autant de formes différentes du même nom divin. Hesychius nous en apprend l’origine, quand il nous dit que Delephat est le nom de l’étoile de Vénus chez les Chaldéens. C’est le nom que les textes assyriens orthographient Dilbat. L’astre de Vénus est devenu un personnage mythologique, et ce personnage a donné son nom à toutes les sources qu’il a touchées. Telle encore cette source sacrée de Thelphousè en Béotie, qui était consacrée à Apollon. Apollon lui-même portait le surnom de Delphinios, qui avait valu à son temple, à Athènes, le nom de Delphinion. D’une des métamorphoses de ce nom est né Delphynès, ce dragon, moitié serpent, moitié jeune fille, qui gardait Jupiter enfant. Il est enfin devenu l’un des noms du serpent Pytho, tué par Apollon ; et il est bien difficile de ne pas en voir une dernière transformation dans le Dauphin, le poisson sacré d’Aphrodite, qui figure parmi ses attributs à côté de la colombe, complétant ainsi le portrait de la grande déesse marine dont nous retrouvons les traits épars dans le panthéon hellénique.


III

Déméter, Aphrodite, les divinités maîtresses des anciens cultes de la Béotie et de l’Arcadie, Athéna même, dans une certaine mesure, nous apparaissent comme des divinités apportées en Grèce par le commerce de l’Orient, et elles sont associées à des dieux qui, sous des noms grecs, cachent des divinités orientales. Nous n’allons pas jusqu’à dire que la Grèce n’eut pas d’autres déesses à l’origine ; outre ce fond religieux que tout peuple porte avec lui, elle a puisé à d’autres sources encore. Dans cette recherche, il faudrait faire une place spéciale à l’Asie Mineure, qui paraît avoir été le berceau du culte d’Apollon, sans