de son effondrement, ont été les sauveurs de l’Occident. Ils ont arrêté sa décomposition en lui infusant un sang jeune et sain. « Ils ont été les restaurateurs et les régénérateurs de l’intelligence romaine épuisée. Sans eux, la population indigène de l’Italie aurait probablement été éteinte, vers le VIe ou le VIIe siècle, par la scrofule, la folie et la lèpre. » Les Romains ont été les vrais barbares ; l’Europe serait aujourd’hui beaucoup moins avancée, s’il n’y avait pas eu des Goths et des Vandales sur la terre. — Arrivé à ce point, Quincey se met en devoir de démontrer sa thèse, mais il avait compté sans les infirmités mentales qui lui interdisaient de suivre une piste ; au lieu des preuves que nous attendions, nous lisons que les auteurs de l’Histoire Auguste aimaient trop les anecdotes, et trois ou quatre argumens de la même force. Quincey se dérobe, et une idée originale prend l’aspect d’un paradoxe lancé au hasard[1].
Il en est de même pour sa théorie du paupérisme. Quincey en fait « une maladie particulière au monde chrétien. » Il affirme que le christianisme a favorisé son apparition et son développement de plusieurs manières, la principale, la plus malfaisante, ayant été d’encourager les naissances « en protégeant le principe de vie comme un mystère sacré. » N’y avait-il réellement pas d’indigens à Babylone et dans la Rome antique ? La question valait la peine d’être élucidée. Quincey passe outre sans s’y arrêter, sans l’avoir posée, et sa théorie du paupérisme[2] reste aussi une idée en l’air. Tels qu’ils sont, cependant, avec leurs énormes défauts, ses travaux d’histoire font regretter ce qu’ils auraient pu être sans l’opium.
En littérature, il procédait volontiers par généralisations. Il divisait tout ce que les hommes ont jamais composé en deux grandes classes, répondant à deux fonctions distinctes, très différentes, bien qu’en fait elles se mêlent et se confondent souvent : « — Il y a premièrement la littérature-savoir, et, secondement, la littérature-force. La fonction de la première est d’instruire, celle de la seconde de faire mouvoir ; l’une est un gouvernail, l’autre une rame ou une voile. La première ne parle qu’à l’intelligence discursive ; la seconde s’adresse en dernière analyse à l’intelligence supérieure, ou raison, mais toujours à travers des émotions de plaisir ou de sympathie… Le public a si peu réfléchi aux fonctions supérieures de la littérature, qu’on se ferait accuser de paradoxe en avançant que l’objet de donner des informations n’est pour les livres qu’une pauvre fin, et une fin secondaire… Il