qu’on verra s’établir le prix commercial de l’or et de l’argent, limités à leurs emplois industriels[1]. C’est alors qu’on pourra vraiment dire que ce prix est fixé par l’offre et la demande commerciales.
Cette époque est peut-être moins éloignée qu’on ne se l’imagine au premier abord, avant d’avoir pris la peine d’examiner la situation monétaire de l’univers. Les pays possédant à l’heure actuelle la quantité d’or qui leur est nécessaire pour le règlement de leurs transactions intérieures et leur commerce international sont la France, l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, la Hollande, la Roumanie, les royaumes Scandinaves, le Canada, le Venezuela, l’Australie. La Russie et l’Autriche sont à la veille de reprendre les paiemens en or. Ces deux puissances, la première surtout, ont accumulé des quantités considérables de métal jaune, qu’elles vont mettre en circulation et qui les classeront parmi les pays suffisamment pourvus d’or. Les Etats-Unis d’Amérique ont maintenu jusqu’à ce jour les paiemens en or. Le Chili fait de vaillans efforts pour revenir à cet étalon. L’Europe est donc pourvue, sauf l’Italie, la Grèce, l’Espagne, quelques petites principautés qui n’ont pas tout le métal jaune dont elles ont besoin, ou plutôt qui, par suite d’une situation financière et économique imparfaite, n’ont pas la force d’attirer chez elles et d’y retenir l’or. Dans l’Amérique du Nord, le Mexique seul a l’étalon d’argent, tandis que la plupart des républiques de l’Amérique du Sud souffrent du papier-monnaie. L’Australie produit de grandes quantités d’or et en garde ce qui lui est nécessaire. La partie la plus civilisée de l’Afrique est dans le même cas. Il ne reste, comme véritable domaine de l’argent, que les Indes, la Chine et le Japon. Cette masse énorme de 700 ou 800 millions d’hommes représente une moitié du genre humain par le nombre, mais non par la civilisation et l’influence : en dépit de la révélation japonaise de 1895, il serait excessif de dire que ces trois pays ont une importance comparable à celle du reste du monde moderne. On assure d’ailleurs que le Japon songe déjà à adopter l’étalon d’or. Sans hâter de nos vœux l’accomplissement de cette évolution, qui serait prématurée aujourd’hui, nous pouvons mesurer par la pensée la période nécessaire pour alimenter d’or la circulation de tous les peuples qui ne se servent pas encore de ce métal. Déjà en 1895 la production de l’or dans le monde s’est élevée
- ↑ Parmi ces emplois industriels, il convient de faire figurer la frappe de monnaies divisionnaires d’argent : ces pièces n’ont pas force libératoire illimitée, ne sont frappées que par les gouvernemens eux-mêmes, qui achètent le métal au plus bas prix possible sur le marché et s’obligent par contre à reprendre, à tout moment et pour toute somme, ces monnaies auxquelles ils ont donné une valeur fictive.