sort qui vous menace, même lorsqu’il se présente sous la forme inquiétante d’un fusil entre les mains de l’étranger. Ces procédés, les sorciers les connaissent, et ils les font connaître moyennant finance, car leur métier n’est rien moins que désintéressé. Une lutte sourde s’est établie dès l’origine entre les missionnaires chrétiens et les sorciers, et la situation de ceux-ci s’est trouvée de plus en plus amoindrie. Dans les villes un peu considérables, ils ont même disparu, au moins en apparence ; mais ils ont continué leur métier ou leur commerce dans les campagnes, de plus en plus aigris par les progrès d’une concurrence dont ils étaient les premières victimes, et annonçant avec une amertume croissante, celle des prophètes, que les missionnaires chrétiens n’étaient que les avant-coureurs des soldats étrangers. Depuis longtemps, ils prédisaient des maux dont la réalisation soudaine leur a rendu un crédit considérable. On doute moins, on ne doute plus de leurs facultés divinatoires ; on ne doute pas davantage de la vertu des amulettes qu’ils vendent et devant lesquelles doivent s’arrêter et tomber inertes les balles ennemies. S’ils ne sont pas les chefs, ils sont les véritables inspirateurs de l’insurrection, et cette insurrection, comme le remarquait déjà le général Duchesne, a pris le caractère d’une guerre religieuse. Il va sans dire que ce n’est pas plus contre les catholiques que contre les protestans que toutes les fureurs en sont déchaînées. Tous les chrétiens sont confondus dans la même malédiction et dans la même haine. Grâce à ce levain puissant de la passion religieuse, entretenu par le fanatisme des sorciers, l’insurrection aujourd’hui s’arrête à peine à quelques kilomètres de Tananarive, et un étranger ne peut pas sortir de la capitale sans s’exposer à être assassiné.
Naturellement, le fahavalisme, c’est-à-dire le banditisme, mal chronique à Madagascar, occupe une très grande place dans le soulèvement général. Il y a toujours eu des fahavalos dans l’île ; mais il y en a actuellement plus que jamais, et les succès qu’ils ont remportés sur plus d’un point les ont remplis d’une audace encore sans exemple. A quoi faut-il attribuer leur nombre grandissant ? A la dernière guerre évidemment, qui a laissé beaucoup de bras armés, au mécontentement qui croit sans cesse, enfin à l’affaiblissement, ou plutôt à la disparition d’une autorité quelconque.
Après la prise de Tananarive, sans doute parce qu’il était impossible de mieux faire, le désarmement s’est fait médiocrement. Nous n’étions pas en situation de l’imposer à tous : il est donc resté très incomplet, avec cette aggravation que ceux qui rendaient leurs armes étaient les plus pacifiques et les mieux intentionnés, tandis que les autres gardaient les leurs. Les débris de l’armée malgache, après un essai de résistance sous les murs de Tananarive, se sont répandus dans la campagne et ont rejoint et renforcé les bandes de fahavalos. Le fait était d’ailleurs si naturel qu’il était facile de le prévoir et que, cer-