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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



31 octobre.


Où en sommes-nous à Madagascar ? Quelle est la situation véritable dans la grande île africaine que nous avons successivement et si rapidement soumise à notre protectorat, puis à notre domination ? Il semble que nous ayons voulu y faire toutes les expériences à la fois, et y appliquer en même temps tous les systèmes politiques et administratifs, comme si nous n’avions eu confiance dans aucun. Jamais la prodigieuse mobilité qui préside à nos affaires coloniales ne s’est manifestée d’une manière aussi évidente, ni aussi redoutable. A dire vrai, le gouvernement a toujours fait à Madagascar le contraire de ce qu’il voulait et de ce qu’il annonçait, sans doute parce qu’il le voulait et le concevait faiblement, tandis qu’en dehors de lui des volontés d’autant plus fortes qu’elles reposaient sur des intérêts n’ont pas cessé d’agir et d’emporter toutes les résistances.

À l’origine, le gouvernement ne voulait pas d’expédition militaire, en quoi il se montrait prévoyant et sage. Le traité de 1885 nous avait rendu le grand service de rendre l’expédition inutile, en nous assurant une situation que les autres puissances devaient respecter et qui nous permettait d’attendre. Mais on a prétendu tirer de ce traité autre chose que ce qu’il contenait, et dès lors on s’est condamné soi-même à l’emploi des moyens purement militaires. Il a fallu se résigner enfin à ce qu’on avait rendu inévitable. L’expédition a été votée. Le gouvernement d’alors a dit à la Chambre, dans les termes les plus formels, qu’il s’agissait seulement d’établir notre protectorat, ou de le rendre effectif. On admettait, à ce moment, la possibilité de mettre la main sur le gouvernement hova, de le prendre, au moins provisoirement, tel qu’il était, et de s’en servir pour gouverner le pays. C’était le protectorat réduit à sa plus simple expression, et qui devait être pratiqué bourgeoisement, économiquement, dans les conditions les plus légères pour les finances métropolitaines, avec le moindre effort militaire, de manière à justifier toutes les espérances et à désarmer toutes les défiances. On sait ce qui est arrivé. Quelques mois de ministère radical ont modifié profondément, irrémédiablement, la situation. Ne sachant quel parti prendre entre les systèmes en présence, systèmes non seulement divers, mais opposés et contradictoires, le protectorat et l’an-