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LE PRINCE DE METTERNICH
ET
LE PRINCE DE BISMARCK

Dans une étude qu’il a consacrée aux mémoires du prince de Metternich, un professeur à l’Université d’Iéna, M. Ottokar Lorenz, prévoit qu’un jour quelque historien, s’inspirant de la vieille sagesse de Plutarque et persuadé comme lui que, si toutes les ressemblances sont imparfaites, l’histoire ne laisse pas d’avoir ses symétries, sera tenté d’établir un parallèle entre les deux grands politiques allemands qui, l’un dans la première moitié de ce siècle, l’autre dans la seconde, ont exercé une si grande influence sur les affaires des peuples et des rois[1]. On disait du chancelier autrichien qu’il était un ministre européen ; on l’avait surnommé le cocher de l’Europe. Durant de longues années, le chancelier de l’empire d’Allemagne a conduit à son tour la grande voiture ; rien ne se faisait sans son conseil et son aveu ; tous les gouvernemens se croyaient tenus de pressentir ses intentions ou de lui faire agréer leurs projets. En écrivant les Vies des hommes illustres, le sage de Chéronée aimait à apparier les personnages historiques dont les destinées lui semblaient similaires, et dont les caractères formaient contraste. Le futur Plutarque, qui fera le parallèle de M. de Metternich et de M. de Bismarck, aura le plaisir de remarquer que, semblables par la prodigieuse autorité qu’ils avaient conquise, ces deux hommes d’État ne se ressemblaient guère, ni par leur tempérament, ni par leurs habitudes d’esprit, ni par leurs procédés et leurs méthodes.

Cependant, comme le constate M. Lorenz, il y eut dans leur vie un

  1. Staatsmänner und Geschichtschreiber des neunzehnten Jahrhunderts, von Ottokar Lorenz ; Berlin, 1896.