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ainsi resté en souffrance jusqu’à la bataille de Sadowa ; M. de Bismarck y a vaincu à la fois les Autrichiens et le parlement prussien, qui, désarmé par la victoire, lui accorda à son retour un bill d’indemnité.

Bien que pris personnellement à partie et violemment attaqué, M. de Bismarck s’est abstenu, même durant cette première période de son administration, si laborieuse qu’elle fût pour lui, de porter la main sur la liberté de la presse. Mais devenu tout-puissant, il a trouvé des juges qui, à côté du crime de lèse-majesté, ont admis le délit de lèse-dignité ministérielle, et bien des écrivains ont connu, à sa demande, la prison ou la détention dans une forteresse. Pour ne pas nous exposer au reproche d’une omission volontaire, nous rappellerons que, si le comte de Cavour s’est toujours incliné devant la majesté de la puissance législative, il a également respecté les immunités de la presse, bien qu’elles fussent en quelque sorte illimitées ; qu’il a pourtant pris l’initiative d’une disposition nouvelle, destinée à prévoir et à réprimer tout encouragement aux attentats dirigés contre la vie des souverains ou chefs d’Etat étrangers. La législation était muette à ce sujet, et les organes du parti d’action abusaient de son silence pour glorifier les plus criminelles tentatives. Un groupe de conspirateurs italiens, conduit par Orsini, ayant mis en grave péril les jours de l’empereur Napoléon, il jugea opportun de combler cette lacune ; ce fut un acte de probité internationale et de prévoyance politique.

Le statut octroyé par le roi Charles-Albert, calqué sur les institutions françaises de 1830, subordonnait à un cens déterminé le droit électoral. Le comte de Cavour, qui était un juste-milieu, n’a pas plus songé à élargir cette disposition qu’à remanier les autres clauses du pacte constitutionnel pour leur donner un caractère ou une portée plus démocratique. M. de Bismarck s’est montré plus libéral ; il a introduit dans la constitution fédérale de l’Allemagne du Nord le suffrage universel, il l’a maintenu dans celle de l’empire germanique. Nous avons dit dans quelles circonstances et sous l’empire de quelles considérations il s’est arrêté à ce parti si nouveau pour un Germain ; ajoutons qu’il a pris soin d’entourer cette innovation de garanties qui la rendaient sans péril. A côté du parlement élu par ce mode emprunté à la démocratie, il a institué une seconde ou plutôt une première Chambre, le Bundesrath, qui est uniquement composé de représentans des princes confédérés qui les choisissent parmi leurs fonctionnaires. Cette assemblée est investie des mêmes attributions législatives que la représentation issue du suffrage universel. Aucune loi ne peut être soumise à la