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ont appris que l’entente était faite entre Rome et Paris, montrent qu’au-delà des Alpes, un parti considérable, ou du moins très bruyant, persiste à regarder comme un bien la mésintelligence entre les deux pays, et les Nouvelles de Hambourg nous ont donné le secret de cette politique. En France, au contraire, et on peut dire en Tunisie, la satisfaction a été générale. Sans s’exagérer les avantages des nouveaux traités, on les a appréciés. On a été heureux surtout de voir que ce qui aurait pu devenir une occasion et un instrument de discorde était devenu un instrument de paix.


La situation de l’Autriche-Hongrie mériterait en ce moment une étude particulière ; mais la place nous fait défaut pour nous y livrer, et nous ne pouvons donner aujourd’hui que quelques indications très générales. La Chambre des députés hongroise vient d’être dissoute, et le pays est en pleine fièvre électorale. Il en est presque de même en Autriche, où les élections sont prochaines, et où les partis prennent déjà attitude de combat avec une ardeur extrême. Des questions nombreuses et complexes se posent ici et là, mais celle de toutes qui a le plus agité les esprits depuis quelque mois est le renouvellement du compromis financier et économique. Jamais encore les passions n’avaient été aussi violemment déchaînées de part et d’autre. Le succès éclatant de l’Exposition du millénaire à Pesth a montré les progrès faits par la Transleithanie : ils sont si grands que l’évidence en éclate à tous les yeux. La Hongrie en est justement fière ; mais l’Autriche, heureuse, elle aussi, de constater le merveilleux développement économique de sa voisine, en tire un argument tout naturel pour demander avec énergie que les bases mêmes du compromis financier soient assez notablement modifiées. L’Autriche a fait ses comptes ; elle se trouve lésée dans les arrangemens pris il y a trente ans. Ils pouvaient être, ils étaient sans doute légitimes à cette époque ; ils ne le sont plus maintenant. La contestation porte sur les dépenses communes, c’est-à-dire sur celles qui proviennent des ministères des affaires étrangères, des finances et de la guerre. La quote-part supportée par les deux parties de la monarchie, au moment où le dualisme a été établi en 1867, avait été fixée à 70 p. 100 pour l’Autriche, et seulement à 30 p. 100 pour la Hongrie. L’Autriche demande que cette proportion soit changée, et que la quote-part de la Hongrie soit pour le moins élevée à 35 p. 100, tandis que la sienne serait réduite à 65. Des tentatives de conciliation ont été faites dans le courant de l’année ; peut-être n’ont-elles été très sincères ni d’un côté ni de l’autre ; car en Hongrie comme en Autriche chacun avait son siège fait, et l’opinion publique était arrivée tout de suite à un tel état de surexcitation que l’entente était évidemment impossible. On a parlé de la prorogation du compromis pour une année, mais un ajournement n’est pas une solution. On a parlé aussi de