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métier (à 3 fr. 40) jouit de 36 pour 100 de plus que le manœuvre (à 2 fr. 50) ; cette différence minime correspond à celle qui existait autrefois entre les travailleuses des champs et les travailleuses à l’aiguille.

Au moyen âge, lorsque les journalières se faisaient jusqu’à 2 fr. 10 par jour, les couturières, les Pileuses ne gagnaient jamais plus de 2 fr. 30 et, pour les femmes nourries, les chiffres semblent identiques à la ville ou à la campagne. Dans les temps modernes, où le maximum des travailleuses rurales fut de 1 fr. 30, les ouvrières de métiers ne gagnèrent pas davantage. Des salaires exceptionnels étaient accordés à une drapière de Sedan payée 1 fr. 50, à une brodeuse de Rouen payée 3 francs ; mais la fileuse de lin la plus habile ne dépassait pas 1 franc et la fileuse ordinaire 62 centimes ; les couturières recevaient depuis 72 centimes à Metz jusqu’à 1 fr. 26 à Versailles.

Il est deux professions qui, par leur nature, rentrent dans les travaux champêtres, et, par l’éducation qu’elles exigent, méritent cependant d’être classées parmi les métiers : le jardinier, le vigneron. Employé à la journée, le jardinier de 1896 est payé de 2 fr. 32 à 3 fr. 44 ; il y a dans cette catégorie un grand nombre d’individus qui diffèrent peu des hommes de peine. Employé à l’année, le jardinier est souvent un spécialiste capable, parfois un horticulteur distingué ; dans le premier cas ses gages annuels vont de 1 000 à 2 000 francs sans nourriture ; dans le second, ses appointemens n’ont pas de limite fixe. De la confusion qui pourrait se faire entre un émule de Le Nôtre et un simple planteur de choux, entre ceux qui dessinent les parterres à la française et ceux qui arrosent les salades, uniformément désignés sous le nom de « jardiniers », résulterait une appréciation malaisée des salaires, si nous ne laissions de côté les jardiniers de château, à 1 000 et 1 200 francs de gages, sous Louis XIV, pour n’envisager que leurs modestes confrères, dont les plus favorisés reçoivent 600 francs et les moins bien traités jusqu’à 200 francs seulement.

Le corps des vignerons est plus homogène ; leur besogne varie peu d’un point à un autre. Dans le cours des deux siècles précédens, il atteint son maximum sous Louis XIII, avec une journée de 3 fr. 12, et son minimum à la fin de l’ancien régime avec 2 fr. 02. Il avait été moins bien traité dans les cent dernières années que dans les cent années précédentes ; sa paye ne s’éleva pas sous Louis XVI au-dessus de 2 fr. 50 aux environs de Paris, et l’on rencontrait dans le Lot des vignerons à l’année dont les gages ressortent à 54 centimes par jour. La culture de la vigne à façon avait aussi été moins chère ; elle ne coûtait pas plus de