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jusqu’à 1800 les manœuvres nourris, en Bretagne, ne touchaient qu’un salaire de 60 centimes.

De semblables chiffres se retrouvent facilement aujourd’hui sur la surface du globe ; je ne dis pas dans des contrées à demi barbares, — les ouvriers indépendans qui travaillaient il y a une dizaine d’années à la construction du chemin de fer de la Caspienne à Samarkand gagnaient 25 centimes par jour ; — mais, en Égypte, où la terre se loue, impôt déduit, une vingtaine de francs l’hectare, où l’hectolitre de blé vaut 12 francs, les terrassiers sont payés seulement 70 centimes par jour. Le rapport de ces trois prix est à peu près le même que celui qui existait en France au moment de la Révolution : l’hectare étant affermé 52 francs, l’hectolitre de blé valant 29 francs, et la journée étant payée 1 fr. 64, le tout en monnaie de nos jours.

Un second élément sert à apprécier le prix de la main-d’œuvre dans son expression la plus simple : les gages du domestique. Payé à l’année, sur des bases différentes de celles du journalier, le travail du domestique de ferme fournit un point de comparaison et par conséquent de contrôle pour les chiffres qui précèdent. Ces gages furent en moyenne de 189 francs sous Henri IV, de 172 fr. sous Louis XIII, de 160 francs sous Louis XIV ; ils oscillent entre 254 francs, prix payés à un charretier de Sens, jusqu’à 70 francs, gages ordinaires des valets de labour en Berry. Mêmes disparates au XVIIIe siècle entre un charretier, au service de l’archevêque de Rouen, gagé 285 francs sous Louis XV, et un domestique de Saint-Amand, dans le Cher, à 33 francs par an. L’habillement, lorsqu’il est fourni en nature, est estimé 18 francs. En moyenne les gages furent de 175 francs sous Louis XV, de 160 francs sous Louis XVI.

Quant aux domestiques attachés, dans les villes ou les campagnes, au service personnel d’un maître, leurs gages demeurent, aux XVIIe et xviii" siècles, de même qu’ils l’avaient été au moyen âge, inférieurs à ceux des serviteurs employés à l’exploitation rurale. Le fait mérite d’autant plus d’être noté qu’il est précisément le contraire de celui d’aujourd’hui. En J896 on évalue le salaire du domestique de ferme à 350 francs, celui du domestique d’intérieur, — hors Paris, — à 370 francs. Sous Henri IV le traitement de ces deux catégories est identique, sous Louis XIV les ruraux gagnent 160 francs, les citadins 140 francs ; la proportion, reste constamment favorable aux premiers jusqu’à 1790, 150 fr. contre 117 francs sous la Régence ; 173 francs contre 138 francs au milieu du règne de Louis XV.

Je laisse de côté, il est vrai, parmi les gages de cette nature,