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Mais à une légitime prévision il joignait une confiance extrême ; l’inconnu ne le troublait pas, et l’ouvrage qui devait mettre les communications de l’Italie avec la France à l’abri des obstacles créés par la nature le séduisait d’autant plus vivement qu’il y voyait un moyen nouveau d’associer les intérêts des deux pays et de les solidariser ; peut-être y voyait-il un passage, constamment accessible, ouvert aux troupes françaises franchissant les Alpes et accourant au secours du Piémont.


VII

L’excursion que nous venons de faire dans le domaine administratif nous permettra de mieux apprécier la politique générale du comte de Cavour. Nous n’avons plus à dire la pensée qui la dominait. L’Italie aux Italiens : tel a toujours été son point de départ comme son point d’arrivée, sa première conception et son but final. Mais comment contraindre l’Autriche à renoncer à ses possessions italiennes ? Elle les détenait en vertu des traités de 1815 ; elle y était solidement établie grâce à un puissant système déplaces fortes, — le fameux quadrilatère ; — elle avait subordonné à son influence la plupart des princes italiens et elle avait ainsi étendu son occupation dans les Romagnes et dans les Duchés. Vainement les forces réunies de tous les États italiens auraient tenté de l’expulser d’une situation aussi formidable. Cavour en avait toujours eu la conviction ; sa correspondance l’atteste maintes fois ; l’expérience d’ailleurs avait été faite à deux reprises, en 1848 et en 1849. Il n’avait aucune foi dans les efforts du parti révolutionnaire ; il considérait les fauteurs de toute révolte comme les pires ennemis de son pays ; il ne l’a jamais caché ; les troubles qu’ils fomentaient, tantôt sur un point, tantôt sur un autre, ne pouvaient avoir, à ses yeux, d’autres résultats que d’aggraver l’oppression étrangère.

A quel expédient fallait-il donc recourir pour libérer l’Italie ? Il n’en existait qu’un seul, celui qui a réussi : l’assistance d’une puissance étrangère ; et, cet expédient, le comte de Cavour l’a préparé de longue main, à travers les difficultés les plus diverses et en dépit des résistances qui ont longtemps entravé ses efforts. En attendant que les circonstances se prêtassent à ce dessein, le comte de Cavour mit tous ses soins à seconder le développement de la richesse publique, dont le trésor devait bénéficier ; il engagea, d’autre part, le gouvernement piémontais dans des voies qui devaient le conduire à nouer d’étroites relations avec les puissances dont il espérait conquérir les sympathies pour en obtenir plus tard un concours armé. C’est afin de mettre ainsi le pays en