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y fit ses premières armes. Il prit rang parmi les conservateurs les plus fougueux, et dès le début il se montra le plus résolu, le plus ferme défenseur de l’autel et du trône, par l’audace de son langage et l’absolutisme de ses doctrines. A un député de la gaucho qui lui offrait de se garantir mutuellement contre tout excès de parti : « Non, répondit-il ; je ne prends aucun engagement ; ma politique à votre égard ira jusqu’à la dernière marche de l’échafaud, et si cela est nécessaire je vous livrerai tous au bourreau. » Il prit une part active à toutes les discussions ; il se révéla orateur passionné, intransigeant, d’une fermeté que toutes les violences de ses adversaires ne parvinrent jamais à ébranler. Tel il fut à ses débuts, tel il fut toujours, jusqu’au moment où il a dû rentrer dans la retraite qui avait abrité sa jeunesse.

Fidèle aux opinions qu’il professait ainsi, il conjura le roi de décliner la couronne impériale qui lui était offerte par le parlement de Francfort, une assemblée de révoltés en démence, selon lui. En 1850, il prit la défense de M. de Manteuffel, conspué par la Chambre à son retour d’Olmutz où il avait humblement apposé la signature de la Prusse au pacte imposé par le prince de Schwarzenberg. Il se fit l’apologiste de l’Autriche, qu’il devait, seize ans plus tard, expulser violemment de l’Allemagne, soutenant que la Prusse devait tout sacrifier à l’impérieux devoir de mettre, de concert avec elle, les pays germaniques à l’abri d’une invasion de la démagogie. Il plut à la cour, et le roi en fit, en juillet 1851, son représentant auprès de la Diète de Francfort, reconstituée après les perturbations des deux années précédentes. Les opinions dont M. de Bismarck s’était constitué l’organe passionné ne pouvaient, pensait le roi, que raffermir, grâce à son concours, les bonnes relations qu’on venait de renouer avec la cour de Vienne.


III

On sait, et nous dirons plus loin, que M. de Bismarck fut conquis par d’autres vues en débarquant à Francfort. Mais déjà, à ce moment, le comte de Cavour était apparu sur la scène politique grâce aux mêmes événemens qui avaient permis au représentant de la féodalité prussienne de prendre rang dans la diplomatie de son pays. Pour suivre parallèlement ces deux hommes, désormais maîtres de leur terrain, il nous faut donc revenir à Turin avant de nous arrêter à la mission que M. de Bismarck a remplie à Francfort. Bien avant l’explosion des événemens qui ont marqué, en France et en Allemagne, les premiers mois de l’année 1848, l’esprit public avait vibré en Italie sous l’impulsion