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quelques compositions de Memling, les bas-reliefs de Ghiberti ou de Donatello, plusieurs des œuvres de Beato Angelico attestent le goût que de bonne heure les artistes du Nord aussi bien que ceux du Midi avaient pour la musique et la place qu’elle tenait déjà dans la vie de ce temps. Mais si, dès le XIIIe siècle, les instrumens que nous voyons ainsi réunis dans ces ouvrages forment déjà des orchestres, on peut penser que bien des accouplemens de sons hasardeux, ou même tout à fait discordans, devaient s’y produire. Parmi ces instrumens, il en est plusieurs qui, après des tentatives plus ou moins nombreuses de perfectionnement, ont disparu, et qu’il a fallu rejeter de la composition de l’orchestre parce qu’ils ne pouvaient s’harmoniser avec les autres. Quant à ceux qui s’y sont maintenus, ils ont dû subir des modifications profondes avant d’arriver jusqu’à nous. Chacun d’eux a son histoire, et, afin de réaliser les améliorations désirables dans sa fabrication, on a recouru à toutes les matières, invoqué à la fois les leçons de l’expérience et de la science, essayé toutes les formes, épuisé les combinaisons de mécanisme les plus ingénieuses. C’est en examinant les différens modèles, exposés dans des collections spéciales, notamment au Conservatoire de musique et au musée de Nuremberg, qu’on peut se rendre compte de la multiplicité de ces tentatives. Dans cette dernière collection, en particulier, un tableau figuratif permet de suivre l’ordre chronologique des transformations opérées dans chacun des élémens de l’orchestre avant d’aboutir à la fixation des types adoptés aujourd’hui. On est moins étonné des innovations malencontreuses dont on peut à certains momens constater la trace, lorsqu’on songe à l’ensemble de conditions très délicates qu’il s’agit de réaliser et qui ne s’obtiennent parfois qu’au prix de longs tâtonnemens pour assurer à chaque instrument un diapason et une forme nettement spécifiés, compatibles avec la facilité de son jeu, s’accommodant avec la sonorité des autres instrumens de l’orchestre, soit par les contrastes, soit par les analogies qu’il offre avec eux.

Si défectueux que ces instrumens fussent encore au XIIIe siècle, ils constituaient déjà des groupes dont le classement était calqué sur celui des voix humaines. C’est aussi à partir de cette époque que la musique, née comme les autres arts dans l’église et qui jusque-là y avait trouvé sa plus haute expression, tend à se répandre dans la société laïque. Elle fait l’ornement des cours et les souverains entretiennent à leur solde des orchestres chargés de concourir à l’éclat des fêtes. On les voit figurer dans les entrées triomphales, dans les banquets, dans les bals, et leur répertoire se compose de pièces assez courtes, peu variées, généralement