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débordent, dans les rues adjacentes, ou attendent, accroupis, leurs charges. Partout des piles de sacs remplis de dattes, de sel, d’orge, de blé dur, d’oranges et d’étoffes ; partout des Arabes chargeant ou déchargeant leurs animaux, ou bien étendus sur des nattes, adossés an mur, la tête à l’ombre et les pieds au soleil. Puis, sur des tréteaux improvisés, d’invraisemblables objets : colliers d’excrémens de gazelles aromatisés de civette ; lézards du désert vivans ou empaillés, mesurant plus d’un mètre de longueur ; lézards de palmiers, outres en peau de chamelle, gazelles vivantes, armes touaregs, nattes aux couleurs vives, étoffes aux couleurs crues, peaux de chacal et de panthère, coussins en cuir, paniers d’alfa tressé, fruits et comestibles inconnus, tout un monde d’objets étranges, tout un assemblage d’hétéroclites étalages. Des sons criards dominant le bruit des voix et la traînante mélopée de la guzla annoncent le voisinage de la rue des Ouled-Naïls. Chaque soir, parées de leurs lourds et bruyans bijoux, elles dansent dans les nombreux cafés maures de Biskra. Arabes et nègres, semble-t-il, ne se lassent pas de cette danse du ventre, plus grotesque encore que lascive, et qui rappelle de très loin mais avec infiniment moins de grâce, celle des almées javanaises.

A Biskra, l’été est torride, la température variant de 40° à 48° à l’ombre pour ne descendre que rarement au-dessous de 30° pendant la nuit. L’hiver est doux ; d’octobre à avril la température moyenne est de 14°, 9, supérieure de 3°, 5 à celle de Nice. Mais où Biskra l’emporte, c’est par la siccité de son climat. Alors que la moyenne de pluie est à Nice de 92 mm, 495, elle n’est, à Biskra, que de 17 mm, 429. Ces conditions particulières font de Biskra une station hivernale à l’usage des rhumatisans et de tous ceux qui ont peine à supporter l’humidité de nos régions du nord. Sa source thermale ajoute, par ses propriétés curatives, aux qualités préventives du climat. Cette source, Hammam-es-Salahin, la « source des Saints », la Piscina des Romains, la « Fontaine Chaude », comme on la désigne ici, est située à huit kilomètres de Biskra, à laquelle la relie un petit tramway. Légèrement alcaline, cette source rentre dans la catégorie des eaux chlorurées, sodiques, sulfurées. Son débit est de 25 litres par seconde, sa température, au point d’émergence, est de 46°, 2. Les Arabes, dont beaucoup sont atteints de maladies de peau, ont, dans l’eau de cette source, une confiance justifiée par ses effets et une expérience séculaire. « Va au Hammam de Biskra et tu seras guéri en peu de jours », disent-ils à l’Européen débilité. Les Romains connaissaient les propriétés de ces eaux thermales pour les cardiaques, les dyspeptiques, goutteux, rhumatisans et bronchitiques.