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L'ALGÉRIE EN 1896


I

Successivement phénicienne, carthaginoise et numide, romaine, vandale, puis arabe, la longue bande de terre africaine qui, sur 1 100 kilomètres, des frontières du Maroc à celles de la Tunisie, se déroule en face de l’Europe, est, depuis soixante-seize ans, possession française. Les siècles y ont laissé leur empreinte : plaines asséchées et collines déboisées, fleuves souterrains et mers de sable. Les hommes y ont laissé la leur : vestiges du passé, souvenirs du culte de Tanit, des dieux de la Grèce et de Rome, mosquées musulmanes et basiliques chrétiennes, traditions, coutumes et mœurs, races, langues et concepts philosophiques, depuis les cadres élastiques et souples de l’antique théogonie, jusqu’aux cadres rigides de l’islamisme fataliste.

Plus vaste que la France européenne, l’Algérie, la France africaine, occupe une superficie de 670 000 kilomètres carrés peuplés de 4 393 690 habitans. On sait ce que la France a fait de cette région, repaire de pirates il y a moins d’un siècle, aujourd’hui sa plus importante colonie ; on sait ce qu’il lui en a coûté et de sang et d’or pour y asseoir sa domination, y implanter sa civilisation. Actuellement, le mouvement commercial de l’Algérie atteint 500 millions de francs ; ses cultures s’étendent, le désert recule devant les oasis créées par la science de l’ingénieur, faisant jaillir du sol aride la nappe d’eau qui fertilise les sables ; mais pour étendre les cultures, pour forer les puits, pour créer les routes, pour défricher les plaines, il faut encore et surtout des hommes ; et de récentes constatations statistiques, en