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le procureur fiscal du seigneur — ce fief appartenait alors à la dame de Beaujeu, fille de Louis XI — voulut troubler les vilains dans leur jouissance. De là, entre les officiers de la princesse et les usagers, un procès où ces derniers obtinrent d’ailleurs gain de cause.

Dix-sept paroisses de l’arrondissement d’Avallon louent en 1319 le droit d’usage dans la forêt d’Hervaux ; elles pourront y couper « tous bois qui leur seront nécessaires » moyennant un cens annuel de 10 deniers par feu. Au XIVe siècle ces 10 deniers valent 1 fr. 75, moins d’une journée de travail ; au XVIIIe siècle ils vaudront 8 centimes. Pour une poule et 5 deniers par tête et par an, les paroissiens de Parassy, en Berry, obtiennent la libre possession de la forêt qui les entoure. Ces « concessions », il faut le dire, ne sont en général que des « reconnaissances » de droits plus ou moins obscurs, plus ou moins anciens, qui s’affirment et se précisent. Les gens de Jumièges et de Braquetuit, en Normandie, soutiennent, dans un procès de 1579, que la forêt est commune entre eux et l’abbaye à qui nominalement elle semble appartenir ; que, moyennant un sol par an et par famille, ils y ont droit de pâture, de chauffage et de glandée pour leurs porcs.

Outre ces droits d’usage et de pâturage dans les bois seigneuriaux, les campagnards possèdent en propre une grande quantité de bois communaux ; soit qu’ils en jouissent de temps immémorial, soit qu’ils leur aient été abandonnés par des traités en bonne forme. Le revenu des forêts demeure, en bien des localités, si minime au XVIe siècle que ces « accords » ne sont pas bien onéreux au détenteur du fonds. En 1573, les herbes d’une forêt entière, celle de Fletz, en Limousin, ne sont affermées à nouveau que pour 10 sous et 2 poules (à peu près 7 francs par an). Le cens féodal des habitans de Chalonnet, en Franche-Comté, pour droit d’usage dans les forêts royales, ne s’élève en 1584 qu’à 6 centimes par personne.

Le seigneur de La Rochefoucauld avait « accordé à toujours » au XIIIe siècle, aux riverains de la forêt de La Boixe, en Saintonge, dont il était propriétaire, le droit de pacage à raison de 2 deniers — soit intrinsèquement 18 centimes — par chaque bœuf ou vache avec son veau. Il crut évidemment faire un bon marché, et les riverains crurent en faire un mauvais, puisqu’ils prétendaient avoir ce droit pour rien. Ils n’acceptèrent l’arrangement que parce qu’ils ne purent faire autrement, « n’ayant, disaient-ils, d’autre justice à laquelle il leur fût loisible de recourir. » Au XVe siècle les vassaux jouissent non seulement du pacage, mais aussi du chauffage dans la forêt ; un procès leur est intenté à ce sujet par les seigneurs, qui le perdent. Les juges transforment seulement les 2 deniers de jadis en une redevance