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vers la fin du XVe siècle ne dépassaient pas 300 francs dans les familles bourgeoises. Des gages de 500 francs, comme en donne la comtesse d’Angoulême, mère de François Ier, en 1497, ou 600 francs, ainsi que paye à la même époque la vicomtesse de Rohan, sont vraiment hors de pair.

On en peut dire autant des « valets de chariot » — cochers — et palefreniers, des cuisiniers à la journée qui se font 5 francs par jour à Paris, au XIIIe siècle, ou des « queux » de grande maison, auxquels on paye jusqu’à 600 francs de gages chez le duc d’Orléans fils de Philippe VI, et jusqu’à 1 000 francs chez le prince de Piémont. Ceux des simples particuliers ont depuis 500 francs jusqu’à 300, chiffre dont se contente le chef de cuisine de l’évêque de Troyes. Si l’Hôtel-Dieu de Paris paye ce dernier prix, d’autres hospices trouvent à meilleur marché à qui confier la direction de leurs casseroles. Quant aux aides, aux « valets d’escuellerie », ils descendent à 100 francs et ne dépassent jamais 250. On rencontre même en Allemagne des marmitons à 40 francs par an. Le reste du personnel qu’abritait le manoir féodal et dont l’effectif variait selon le rang et la richesse des maîtres, depuis une douzaine de personnes chez des seigneurs ordinaires jusqu’à deux cents chez la duchesse de Bourgogne, avait une condition analogue. La diversité de leur traitement en numéraire vient de l’importance plus ou moins grande de leurs loisirs et des bénéfices en nature qui leur sont concédés.

Pour les domestiques femmes, la distinction entre celles des fermes et celles des bourgeois offre moins d’intérêt que pour les hommes ; non seulement parce que les salaires des unes et des autres se ressemblent, mais aussi parce que leurs fonctions, du XIIIe au XVIe siècle, différaient peu dans les petits ménages urbains, où elles traient la vache et font la litière du cochon, de leur emploi aux champs, où elles poussent le rouet et remplissent la marmite dans l’âtre. La moyenne des unes et des autres, servantes de ferme et d’intérieur, « chambelières » ou filles de basse-cour, balayant la salle ou battant en grange, bonnes à tout faire, suivant l’expression moderne, est de 108 francs de gages au XIVe siècle, de 145 francs au XVe où, comme les hommes, elles ont enchéri. La moins payée ne touche qu’une soixantaine de francs chez un charretier ; une vachère, « servante à la cour », près d’Orléans, n’a guère davantage ; mais une chambrière de chanoine a 135 francs ; une lavandière de ville en a 200. Au-dessus de cette plèbe de la domesticité est l’élite, naturellement peu nombreuse, les « femmes de chambre » des châtelaines, dont les gages n’ont pas de règles et vont à 500 francs et même à 750 chez une