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diminuer la conscience juridique de la communauté de l’Église prussienne, enlever au culte un précieux bijou, à la communauté un moyen suprême de recueillement et de prière.

Il sera de notre office, dans l’Église évangélique de notre ressort, de veiller à ce qu’on demeure attaché, d’une intime fidélité, à la profession de foi de notre église, qui contient, à côté des autres vérités fondamentales de la foi chrétienne, traduites dans le symbole apostolique, une profession de foi à l’incarnation de Dieu en Christ ; et pareillement, le devoir de notre charge et de notre conscience requiert qu’à l’égard de l’usage liturgique du symbole nous maintenions, comme nous l’avons fait jusqu’ici, et même plus strictement, les règlemens ecclésiastiques en vigueur. C’est avec une largeur de cœur tout évangélique et sans vouloir faire du symbole ou d’un détail de ce symbole une rigoureuse loi d’enseignement (ein starres Lehrgesetz) que nous refusons de tolérer, chez nos ecclésiastiques, toute agitation qui tendrait à bannir le symbole de la place qui lui revient… Nous nous consolons par cette espérance que vous réussirez à évincer cette idée, que celui-là même qui a une croyance opposée aux vérités fondamentales de la commune foi chrétienne peut être, dans l’Église évangélique, un serviteur au cœur droit. Puisqu’un malentendu a pu s’élever à ce sujet, les surintendans doivent, plus que jamais, ériger en devoir de conscience, pour ceux qui aspirent aux fonctions ecclésiastiques, un sérieux examen personnel, fait avec loyauté, avec souci des âmes, concernant leur situation à l’endroit des croyances de l’Église évangélique, et leur représenter toute l’importance des obligations qu’ils assument au moment des promesses de l’ordination.


Ce document fut très commenté. L’orthodoxie, assez satisfaite, en conclut qu’au jugement du conseil suprême la naissance miraculeuse de Jésus était une « vérité fondamentale » ; et les écoles incroyantes firent observer que le conseil suprême ne considérait point le symbole comme une rigoureuse « loi d’enseignement ». Sous un certain vernis de netteté, une équivoque subsistait. « La faute en est à l’Eglise même de Prusse, déclara M. Hermann : ses membres étant en désaccord sur la foi elle-même, le conseil suprême ne peut rien faire autre chose, que de publier des édits qui manquent d’une véritable unité. Car s’il voulait trancher le conflit, ou se déclarer pour un groupe et opprimer l’autre groupe, il s’arrogerait une puissance papale. »

Ainsi le conseil suprême laissait les esprits en suspens, et sa circulaire, tout compte fait, atténuait l’effet de la harangue impériale plutôt qu’elle ne le précisait. Et sur la question du symbole, les brochures, les articles de journaux et de revues, les protestations des dévots, les contre-protestations des incroyans, continuèrent de s’empiler : on formerait une bibliothèque considérable avec toute la « littérature » à laquelle donna lieu cet épisode. « Si le symbole possède une force obligatoire, s’il est un lien pour la conscience, et dans quelle mesure », c’est ainsi que beaucoup de théologiens, orthodoxes exigeans ou libéraux alarmés,