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Wittenberg, le 31 octobre 1892, en présence d’un certain nombre de princes allemands, cette église du château (Schlosskirche), qu’ont restaurée les Hohenzollern et sur les portes de laquelle Luther avait affiché ses thèses, l’empereur déclara : « Nous professons de cœur la foi en Jésus-Christ, fils de Dieu devenu homme, crucifié et ressuscité, foi qui est un lien pour la chrétienté tout entière, et c’est par cette foi que nous espérons obtenir le salut, et par elle seule. Aussi nous attendons de tous les serviteurs de l’Église évangélique qu’en tout temps ils s’appliquent à gérer leur charge en prenant pour règle la parole de Dieu, dans le sens et dans l’esprit de la pure foi chrétienne, reconquise par la Réforme. »

Guillaume II s’était prononcé ; le conseil suprême de l’Église prussienne ne craignit plus d’émettre un avis, par une circulaire datée du 25 novembre 1892.


Nous déplorons, expliquait la circulaire, que les explications du professeur Harnack dans sa réponse aux étudians en théologie, concernant la valeur et l’usage ecclésiastique du symbole apostolique, aient soulevé un profond émoi chez beaucoup de pasteurs évangéliques, et même en beaucoup de sphères du peuple évangélique. À cet émoi, une raison profonde existe : on s’imagine que ces consultations sur le symbole mettent en péril l’intégrité de la foi chrétienne, spécialement la doctrine fondamentale de l’Incarnation du Fils de Dieu. En présence de ces craintes, nous rendons hommage à une insigne coïncidence concertée par la grâce divine ; elle a permis que, dans les plus profondes couches du peuple évangélique, un bruyant écho répercutât la manifestation faite à Wittenberg, le 31 octobre, par S. M. l’Empereur et Roi et les princes évangéliques d’Allemagne ; or dans cette manifestation, l’attachement à la croyance au Fils de Dieu fait homme, comme au lien commun qui cimente la chrétienté, était exprimé d’une façon simple, mais formelle.

Que l’avis de M. Harnack sur les phrases : conçu du Saint-Esprit, né de la Vierge Marie, fût exposé comme une opinion doctrinale, unanimement admise par la recherche théologique : voilà surtout, au dire des surintendans généraux, ce qui a provoqué l’émoi, la communauté voyant dans ces phrases un sanctuaire de sa foi, chéri et inviolé. S’il en est ainsi, il suffira de rappeler qu’au jugement de beaucoup de représentans éminens de la science théologique, et spécialement, même, de membres distingués de la Faculté de théologie de Berlin, le fait affirmé dans ces phrases soutient encore, devant une recherche scientifique impartiale, l’épreuve de la vérité. Avec les surintendans généraux, nous croyons que l’auguste symbole apostolique, remontant en son fond jusqu’aux temps les plus anciens de l’Église, et jusqu’aux environs du temps même des apôtres ; témoignant éloquemment, en sa brièveté, des grandes œuvres de Dieu ; offrant à l’instruction catéchétique, par ses divisions, un important modèle, ménageant à tous dans la communauté, jeunes et vieux, une inépuisable source d’édification, est d’autant plus indispensable à l’Église que, par son contenu, il établit un lien d’unité entre toute la chrétienté terrestre. L’éloigner du service divin, ou même seulement en sacrifier l’usage au caprice de chaque communauté, ce serait