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En 1829, avec la haute approbation de Frédéric-Guillaume III, la liturgie prussienne avait été fixée dans un rituel appelé Agende. En 1840, en 1879, on projeta la révision de cette liturgie et la composition d’une nouvelle « Agende » ; c’est seulement en mars 1892 qu’une commission de vingt-quatre membres, appartenant la plupart aux fractions croyantes de l’Église, se mit sérieusement à l’œuvre. Tout aussitôt, la question du symbole surgit. Les plus fervens d’entre les orthodoxes souhaitaient profiter de cette révision pour donner au symbole, dans la cérémonie de l’ordination, une force juridiquement obligatoire. Les « libéraux » auraient désiré l’évincer à peu près complètement de l’ « Agende » tout entière, à l’exemple de Hambourg et de Gotha, ou lui substituer autant que possible, suivant la coutume saxonne, des chants d’Eglise ; les théologiens du « juste milieu », les jeunes et laborieux adeptes de la théologie « moderne » cherchaient avant tout des procédés pour que le symbole fût énoncé in referierender Form, c’est-à-dire à titre de document, presque à titre de récit intéressant la vieille foi chrétienne et reliant, en une communion réciproque, les chrétiens d’aujourd’hui et les chrétiens de jadis. Frédéric-Guillaume III, en publiant la précédente « Agende », avait spécifié qu’elle ne devrait point « limiter la liberté de foi et de conscience, si chèrement obtenue » : tous les théologiens étrangers à la stricte orthodoxie redoutaient que sous Guillaume II les fanatiques du dogme intégral ne prétendissent revenir sur la déclaration de Frédéric-Guillaume III.

Quelques mois durant, les polémiques furent discrètes ; elles firent explosion, de toutes parts, lorsque M. Harnack, le 18 août 1892, publia dans la revue : Die christliche Welt une consultation qu’il avait donnée, concernant le symbole, à ses étudians de Berlin. De prendre ouvertement le parti de M. Schrempf, qui venait d’être révoqué, et de pétitionner contre l’usage du symbole, M. Harnack les dissuadait ; mais il se hâtait d’ajouter que ce document contient plusieurs articles susceptibles de choquer un esprit mûr, un chrétien savant en histoire, et que le verset : « né de la Vierge Marie » ne comportait, même, aucune interprétation satisfaisante. Tout en rendant hommage à M. Schrempf, il admettait qu’on pouvait, en toute sécurité de conscience, entrer dans le ministère pastoral sans chercher un accommodement avec ce terrible verset. Un jour viendrait où le vieux symbole pourrait être remplacé par un autre, et provisoirement il fallait patienter.

Par une très courte déclaration, datée du 20 septembre, le luthéranisme orthodoxe répondit à M. Harnack ; elle se résumait en trois points :