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dépourvu de tout caractère scientifique, pouvait troubler les consciences : pour ces motifs, M. Schwarz, qui refusa de retirer sa brochure, fut déposé ; il expiait moins ses propositions elles-mêmes que l’indocile acharnement qu’il mettait à les répandre et la notoriété prolongée qu’il leur avait voulu garantir. On ne pouvait alléguer ni l’un ni l’autre grief contre le pasteur Längin et le pasteur Wimmer qui, vers la même époque, soutinrent dans des réunions publiques des thèses également subversives : malgré la campagne entreprise par l’orthodoxie, l’autorité badoise leur fut clémente. En somme, l’incroyance paraît bien être un droit ; mais une certaine correction dans l’incroyance est un devoir ; quant à la ligne idéale qui sépare cette correction d’avec la dissimulation, jamais on n’a tenté de la définir ; et c’est tant pis pour le pasteur qui, considérant ses auditeurs laïques comme des frères en Christ, leur veut exprimer toute sa conscience, en y risquant son gagne-pain.

« Ou bien l’Eglise devrait expliquer sans équivoque que chez ses serviteurs, qui sont en même temps ses membres, elle présuppose une adhésion, sans conditions ni réserves, à son symbole et à son enseignement, et par-là faire connaître sans équivoque, aux théologiens hétérodoxes, qu’ils ne conviennent point pour le service divin. Ou bien elle devrait fixer de telle sorte sa position à l’égard du symbole et réglementer de telle sorte le service divin, que l’ecclésiastique, en communiquant suivant sa conscience le symbole de l’Eglise devenu un document historique, pût exprimer comme il convient sa position personnelle à l’endroit de ce symbole, et ne fût jamais obligé de laisser croire que sa foi à lui est sans réserve. Mais l’Eglise n’accepte ni l’une ni l’autre solution, ou, plus exactement, elle fait le contraire des deux. » Ces fortes paroles sont de M. Schrempf : inattaquable en est la logique ; mais en imposant une orthodoxie réelle, la Réforme abdiquerait ses principes de libre examen ; en cessant d’imposer une certaine apparence d’orthodoxie, elle dissoudrait les cadres de l’Eglise ; sous peine de se démentir ou de se tuer, elle ne peut admettre l’alternative que lui définit M. Schrempf.


IV

Peu s’en fallut, toutefois, entre 1892 et 1894, que l’Eglise de Prusse ne se laissât séduire au second terme de cette alternative, et que, par des concessions au sujet du symbole, elle ne rectifiât la conscience et la situation des pasteurs incroyans : l’épisode est d’insigne importance, et mérite d’être relaté.