Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 137.djvu/582

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trompés par les pasteurs, qui se serviraient d’eux pour tromper le peuple et le maintenir dans sa sottise. Et cette pensée, qu’il leur a fallu devenir des instrumens de mensonge, contient tant de poison, que l’estime qu’ils avaient jusque-là pour toute notion religieuse se peut changer en haine, et que, dès l’instant d’une telle révélation, ils considèrent comme leur devoir d’être ennemis des pasteurs. » M. Seydel, adepte du libéralisme, conclut que les archaïsmes dogmatiques devraient être bannis du catéchisme, et que l’esprit de liberté qui souffle dans les universités devrait circuler partout.


II

Moyennant une certaine technique du genre vague, la prédication, le catéchisme même s’assouplissent aux exigences simultanées des écoles théologiques les plus divergentes. Mais le mobilier du temple ne se réduit point à la chaire ; non loin d’elle, il y a l’autel. Intendante des services divins, des baptêmes, des confirmations, des ordinations, la liturgie prétend à une certaine fixité ; elle est la même pour toutes les communautés et pour tous les pasteurs d’une église, sous le contrôle des autorités administratives ; et, dans une mesure plus ou moins large suivant les États de l’Allemagne, elle impose, en des circonstances déterminées, l’usage du symbole apostolique.

Pour les orthodoxes, rien certes n’est plus naturel ; mais il n’en faut pas plus, d’autre part, pour que les libéraux protestent, pour que les théologiens du « juste milieu » s’inquiètent, et pour que les disciples du ritschlianisme épiloguent longuement. Des milliers de protestans ne croient plus au symbole : première objection, qu’on justifie par des faits. Imposer à quelqu’un, pasteur ou fidèle, la récitation du symbole, c’est l’obliger à professer la foi d’autrui, une foi qu’il n’a pas personnellement conçue : seconde objection, que semblent légitimer les principes individualistes de la Réforme, développés par Schleiermacher, épuisés par Ritschl. Enfin, une fois grattées ces vieilles effigies qui sont les phrases du symbole, les vérités évangéliques, monnaies précieuses, pourraient être frappées à neuf ; et précisément « la théologie, en même temps qu’elle rend intelligibles les anciennes formes de la foi chrétienne, doit, d’après M. Harnack, suivre les signes impérieux de l’histoire et enseigner d’une nouvelle façon l’antique vérité. » Voilà une troisième objection, précisée, développée, par un examen critique du symbole lui-même, d’où l’on conclut que le symbole est, tout à la fois, trop surchargé et trop indigent.