Page:Revue des Deux Mondes - 1896 - tome 137.djvu/498

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le gentleman manque en France ; voyez tous ces gros personnages, fonctionnaires et propriétaires qui viennent au débotté nous solliciter pour leurs fils, demandant qu’on prive autrui d’une place pour la leur donner[1]. Tout cela impudemment ou délicatement, ce n’en est pas moins demander une injustice. Ils croient la faveur chose toute naturelle. — C’est une tradition en France. Sous l’ancienne monarchie, il fallait aller solliciter les juges. Encore aujourd’hui, on n’a d’articles dans les journaux que par camaraderie. Au contraire en Angleterre, C… disait qu’on ne remerciait jamais un journal pour un article ; ce serait le choquer. Voyez dans Carlyle, Life of John Stirling, la lettre de sir Robert Peel à l’éditeur du Times, et la réponse ! Ici le royaume de la grâce, et là-bas, celui de la justice.

Vieilles maisons mal raccommodées, toits en tuiles, pêle-mêle étrange de constructions de tous degrés et de tous styles. Horribles petits pavés pointus, formés de cailloux de rivière, qui blessent les pieds. — Mais la joie, la sérénité du ciel, la pureté, le rayonnement de l’azur, sont admirables.

Promenade hier, sous la conduite de M. B…, professeur d’histoire à la Faculté. Il a cinquante-cinq ans et en parait quarante. Il est libéral, il va dans le monde poli, aristocratique ; il est fort bien, presque artiste et antiquaire passionné. — Chemin faisant, il nous conte l’état des choses. — Il y a, à Toulouse, soixante-dix-sept maisons religieuses sur une population de cent mille âmes ; entre autres, trois énormes collèges, l’un ayant cinq cents élèves. Quand le frère Léotade a été condamné, beaucoup de gens l’ont déclaré martyr ; l’année suivante, son collège a eu trente ou quarante élèves de plus à la rentrée. — De même à Poitiers, trente-huit maisons religieuses sur trente-cinq mille habitans. A Poitiers, à Rennes, le lycée est tombé de moitié par la concurrence. J’ai vu à Bordeaux, il y a six ans, un énorme et magnifique bâtiment qu’on construisait pour les congréganistes. — Tel de ces bâtimens, ici, a coûté deux millions. — A Paris, les pensionnats religieux font entrer par an, à Saint-Cyr, soixante-dix à quatre-vingts jeunes gens qui font bande à part. Jusqu’à des bicoques comme Rethel, ils prennent tout et font tomber le petit collège municipal ; tout cela depuis 18u2, principalement par les Jésuites. M. Billault a parlé à la tribune des legs qu’autorisait le gouvernement, legs qui vont à plusieurs

  1. Il y a de bonnes comédies : tel père veut amener d’avance son fils à l’hôtel pour l’habituer à la figure du colonel. Un autre dépose en cadeau pour les examinateurs des bouteilles d’huile chez le portier de l’hôtel. — Nous avons dû les renvoyer au commissaire de police.