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maîtresse femme qui a manqué son coup. Plus on avance vers le Midi, plus la femme devient incapable de timidité, de pudeur rougissante, de réserve délicate. Ce sont des hommes.

Peut-être faut-il dire que la femme, à la longue, se modèle sur les exigences de l’homme ; au Nord, dans la race germanique, il a besoin de commandement, il sait l’exercer, il lui faut la paix domestique ; de plus, il est froid de tempérament. À cause de tout cela, l’influence de la femme est moindre ; elle est forcée de plier davantage et elle se plie dans le sens indiqué.

D’autre part, selon les climats et les constitutions, ce sont telles ou telles vertus qui ont l’importance et l’empire. — Ainsi, dans le Nord, vous avez la réflexion froide, le bon sens, toutes les habitudes de calcul et d’empire de soi nécessaires pour soutenir la bataille de la vie, tout ce qui convient au naturel lent, au tempérament froid ; dans le Midi, le génie de l’improvisation, la hardiesse, le brillant, tout ce qui se rattache à l’action et à la sensation vive. Or, le naturel de la femme est celui de l’homme avec un degré plus grand de sensibilité, d’improvisation, d’émotion, d’invention, de convoitise nerveuse. D’où il suit qu’elles tombent plus bas et dans une dépendance plus grande dans le Nord, où ces qualités sont moins utiles, et que, par suite, elles montent plus haut, jusqu’à l’égalité et à la supériorité, dans le Midi, où ces qualités sont plus utiles. Une femme d’intrigue et de Salon à Paris, aujourd’hui ou sous Louis XV, ou bien encore la Sanseverina de Stendhal[1], est égale ou supérieure en influence à n’importe quel homme. Au contraire, une femme dans le Nord se trouverait dépaysée pour le commandement de cinquante commis, pour supporter de sang-froid une banqueroute, raisonner tarif, douane, économie politique, etc. La vie et le naturel du Midi étant plus féminins, les femmes sont sur leur terrain et commandent.

Arcachon est un village d’opéra-comique : un débarcadère rouge, jaune et vert, avec des toits retroussés en pavillon chinois, une lieue de plage couverte de trois rangées de cottages, chalets peints bordés de balcons, pavillons pointus, tourelles gothiques, toits ouvragés en bois colorié. Sur les collines de sable, à l’arrière-garde, entre les pins, sont des chalets plus riches. Quantité étonnante de restaurans, chevaux, boutiques, tout cela neuf et verni ; cela ressemble à une fête d’Asnières en permanence. Le mètre de terrain sur la côte se paye 15 francs ; il y a vingt ans, on aurait eu la moitié de la côte pour 2 000 francs.

  1. Dans la Chartreuse de Parme.