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banques d’émission, dont les bilans réunis atteignaient 2 milliards et demi de francs, et la circulation de billets 64 millions, fermèrent leurs portes, se déclarant incapables de rembourser les 1800 millions de dépôts qui avaient été versés dans leurs caisses.

On peut difficilement se faire une idée de la violence de la commotion qui suivit ce désastre. En Australie comme en Amérique, les particuliers ne conservent jamais par devers eux que des sommes minimes, quelques livres sterling ; tout ce dont ils n’ont pas besoin dans le courant d’une même semaine est déposé dans les banques, qui ont des succursales dans les localités même les moins importantes. Or, voici que 250 millions de comptes courans se trouvaient arrêtés dans les banques. Les personnes les plus riches se virent du jour au lendemain totalement dépourvues d’argent liquide, à Melbourne surtout, où cinq des banques suspendues avaient leur siège. La panique eut heureusement peu d’effet sur les billets émis par les banques, à cause du petit nombre de ceux-ci : les législations australiennes sont fort restrictives en cette matière et le chiffre des billets en circulation est toujours resté très inférieur à l’encaisse métallique ; il n’en atteint pas actuellement le cinquième. La période la plus aiguë de la crise dura peu, toutefois, et, avant la fin de 1893, la plus grande partie des comptes courans avait été remboursée.

Il n’en put être de même des autres dépôts. Si l’on avait cherché à réaliser les gages sur lesquels les banques avaient imprudemment prêté ces fonds, on n’aurait abouti qu’à ruiner absolument débiteurs et créanciers : toutes les terres d’Australie eussent été à vendre, et elles n’auraient trouvé acquéreur qu’à des prix désastreux. Les créanciers s’en rendirent compte, renoncèrent à liquider et acceptèrent les arrangemens que leur proposaient les banques. Avant la fin de 1893, les douze sociétés qui avaient suspendu leurs paiemens en avril et mai étaient « reconstruites » et avaient rouvert leurs portes, mais on va juger à quelles dures conditions pour leurs créanciers : en échange de tous les dépôts non remboursables à vue des particuliers et d’une partie même des comptes courans, formant une somme totale de 1 500 millions de francs, dont 530 millions de capitaux britanniques, les banques remettaient à leurs cliens des bons de dépôts auxquels devait être servi un intérêt de 4 1/2 pour 100 jusqu’à leur remboursement. Celui-ci devait avoir lieu à des dates diverses entre 1896 et 1907 : l’une des banques convertit même les trois quarts de ses dépôts en obligations perpétuelles 4 et 4 1/2 pour 100, une autre les deux tiers d’entre eux en actions privilégiées. En outre, les diverses sociétés ont appelé 150 millions de francs sur le capital non versé. Malgré