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et leur attention s’est de nouveau portée vers l’utilisation des eaux courantes ou souterraines là où celles du ciel faisaient défaut.

Mais la culture irriguée demande une grande dépense de main-d’œuvre, une attention constante et délicate qui ne se rencontre guère chez les nouveaux colons. Comme celle de la vigne, comme les industries artistiques, elle exige des qualités qui se trouvent rarement dans les pays neufs. La grande exploitation de Mildura, sur le Murray, où une grande compagnie avait affermé par lots à de petits cultivateurs auxquels elle faisait des avances les terrains qu’elle tenait elle-même du gouvernement, vient d’aboutir à une déconfiture financière complète, et presque tous les colons devront quitter le pays.

Toute la partie tropicale de l’Australie est encore pour ainsi dire inexploitée ; la canne à sucre est cultivée dans le Queensland et le nord de la Nouvelle-Galles, mais la présence d’engagés polynésiens importés des îles Salomon et des Nouvelles-Hébrides pour le travail des plantations y donne lieu à de vives discussions politiques et à des réclamations des ouvriers blancs, plus exclusifs en Australie que partout ailleurs. Cependant il semble impossible de mettre en valeur tout le nord du continent sans avoir recours à la main-d’œuvre de couleur : on a dû maintenir aux Chinois l’autorisation de s’établir dans le territoire du nord dépendant de l’Australie du Sud, alors qu’ils ont à payer 2 500 francs par tête pour entrer dans les autres colonies. Le problème de l’exploitation de l’Australie tropicale, pour n’être pas pressant, n’en est pas moins assez difficile pour l’avenir.

L’industrie existe à peine en Australie et ne s’y maintient que grâce à des tarifs protecteurs démesurés ; elle ne constitue pas une des ressources réelles du pays. Mais l’exploitation des mines, en dehors des gisemens d’or, en est une sérieuse : la valeur de la production argentifère a été en 1892 de 63 millions de francs, venant presque tous de Broken Hill, la plus grande mine d’argent du monde, en Nouvelle-Galles. Ce qui est plus important encore, c’est que cette colonie est un pays exportateur de charbon ; malheureusement des grèves répétées, nuisant à la régularité des exploitations, ont fait abandonner à beaucoup de navires le port de Newcastle, où se trouvent les principales mines, et favorisé la concurrence que les charbons japonais font à ceux d’Australie dans le Pacifique. La production du charbon atteignait, en 1892, en Australasie, 4 718 000 tonnes, dont 3 780 000 en Nouvelle-Galles, 673 000 en Nouvelle-Zélande et 265 000 en Queensland.