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en élargir beaucoup le marché. D’ailleurs ces produits animaux offrent beaucoup moins d’homogénéité que les grains, ce qui est un grand désavantage pour les ventes à distance et en gros : des correspondances de Londres, parues dans les journaux d’Australie pendant mon séjour, signalaient comme un grave inconvénient le manque d’uniformité dans l’aspect et surtout la coloration des beurres. Les fluctuations de prix qui ont lieu à Londres entre le moment des achats dans les colonies et celui de l’arrivée des produits en Angleterre, bien des semaines après, sont aussi l’une des grandes difficultés de ce commerce, de même que l’établissement d’arrivages à intervalles déterminés. De grands progrès ont toutefois déjà été faits et, en 1895, le marché de Londres a été approvisionné avec assez de régularité.

Cependant les viandes importées ne formaient encore, en 1892, que moins d’un tiers de la consommation totale du Royaume-Uni, 600 000 tonnes sur 2 200 000. L’importation avait presque doublé depuis 1885, où elle n’atteignait que 335 000 tonnes. Les colonies australasiennes mêmes, qui avaient une grande part dans ce progrès, envoyaient, l’année dernière, 110 000 tonnes. Elles sont donc loin d’occuper encore dans la production de la viande la même place prépondérante que dans celle de la laine, quoiqu’elles y avancent vite. Leur concurrence est peut-être plus dangereuse dans l’industrie de la laiterie, où elles menacent sérieusement les fournisseurs continentaux du marché anglais, dont la France est, après le Danemark, le principal. Sans doute, en 1894, les importations de beurres exotiques en Angleterre ne s’élevaient qu’à 15 000 tonnes, dont 11 000 d’Australasie et 4 000 d’Amérique, tandis que le continent européen expédiait 117 000 tonnes, dont 49 000 pour le Danemark et 21 000 pour la France : mais ce n’étaient là que des débuts : les importations australiennes ont certainement été moitié plus fortes l’année dernière, et, grâce à l’organisation industrielle perfectionnée de leurs beurreries, les producteurs des antipodes pourront peut-être triompher de leurs rivaux européens. La révolution économique commencée il y a cinquante ans s’achève aujourd’hui : la distance n’est plus un obstacle sérieux au transport d’aucune denrée ; pourvu que la production en soit habilement dirigée, que le sol et le climat s’y prêtent, peu importe que des milliers de lieues séparent le producteur du consommateur.


III

La découverte des moyens de conservation des « denrées périssables » a été d’autant plus précieuse pour l’Australie qu’elle